Après avoir évalué la procédure de consultation, le Conseil fédéral a décidé d’aller de l’avant avec l’ouverture totale du marché de l’électricité. S’il prévoit de revoir le projet pour mieux prendre en considération la stratégie énergétique 2050, il reste sourd à toutes mesures pour favoriser l’adaptation du personnel de la branche électrique au changement structurel que l’ouverture complète du marché renforcera. Travail.Suisse continuera à s’engager pour que la voix du personnel soit entendue.
Pour Travail.Suisse, le marché actuel de l’électricité est bien régulé avec une sécurité d’approvisionnement élevée. Dans ces conditions, une ouverture complète du marché justifiée seulement par les possibilités de changer de fournisseur (pour un gain marginal pour l’usager selon nous) et des effets escomptés en matière d’innovation (elle est déjà en cours), ne pèse pas lourd en comparaison des risques et désavantages encourus qui sont :
- Un fort développement de la concurrence pour les entreprises d’approvisionnement en électricité (EAE) qui pèsera fortement sur leurs marges. Les plus petites ou les moins solides d’entre-elles risquent même de disparaître, avec des conséquences très négatives pour l’emploi et les conditions de travail et salariales des employé-e-s.
- L’absence d’un accord sur l’électricité avec l’UE si bien que l’une des principales raisons d’ouverture complète du marché, c’est-à-dire la garantie d’un accès complet au marché européen, n’est pas donnée.
Travail.Suisse et ses fédérations professionnelles les plus directement concernées, la Fédération suisse des représentations du personnel de l’économie électrique (FPE) et le syndicat Syna qui représentent ensemble la majorité des travailleurs de la branche, regrettent vivement que cette révision ne prévoie toujours pas la moindre mesure pour le personnel. Or, l’économie électrique subit déjà actuellement d’importants changements structurels et les entreprises de la branche ont déjà indiqué vouloir réduire les coûts et certains postes. Elles considèrent aussi que les facteurs de réussite les plus importants sur un marché libéralisé sont le service à la clientèle et la formation du personnel. Si l’on ajoute le fait que la libéralisation conduit les EAE à s’orienter davantage vers les services et à moderniser le réseau de distribution (compteurs intelligents, smart-meters etc.), la nécessité de mettre davantage l’accent sur la formation et le perfectionnement professionnel pour le personnel est fondamental. C’est aussi nécessaire dans la perspective de la pénurie de personnel qualifié qui, au vu de l’évolution démographique, va encore se renforcer au cours des prochaines années.
C’est pourquoi, Travail.Suisse demande plus que jamais que l’on insère dans le projet de la révision de la LApEI un article encourageant la formation et la formation continue pour le personnel de la branche.
Une CCT de branche devient nécessaire en cas d’ouverture complète du marché
A l’heure actuelle, les conditions de travail et salariales dans l’économie électrique sont en général assez bonnes, proches de celles que l’on trouve dans le secteur public. Le fait que les EAE appartiennent à près de 90 pourcent aux collectivités publiques l’explique. Mais la libéralisation complète du marché va peser sur les conditions de travail et salariales dans la branche.
C’est pourquoi, pour préserver les conditions de travail et gérer les mutations structurelles, il est nécessaire de renforcer le partenariat social dans l’économie électrique. Une convention collective de travail de branche devient nécessaire dans ce contexte pour préserver et adapter les conditions de travail. Vu le rôle fondamental que jouent les pouvoirs publics, notamment pour garantir la sécurité de l’approvisionnement, nous demandons d’inscrire dans la LApEI un article prévoyant le principe d’une convention collective de branche, aux partenaires sociaux ensuite d’en négocier le contenu et/ou une obligation de signer une CCT pour chaque entreprise.
A ceux qui rétorqueraient que l’Etat n’a pas à s’immiscer dans les affaires d’une branche de l’économie, on rappellera que le marché libre seul, s’il n’est pas régulé par l’Etat, présente des lacunes. Par ailleurs, ce ne serait pas la première fois que l’on inscrirait le principe d’une CCT dans une loi. Ainsi, la loi sur l’organisation de la Poste suisse prévoit à son article 9 que la Poste négocie avec les associations du personnel la conclusion d’une CCT et la loi sur la Poste prévoit à l’alinéa 3 de son article 4 que quiconque est soumis à l’obligation d’annoncer doit négocier une CCT avec les associations du personnel.
Enfin, nous considérons que ce n’est que dans la perspective d’un accord sur l’électricité avec l’UE que les inconvénients d’une libéralisation complète peuvent être contrebalancés.
Le Conseil fédéral prévoit cependant de remanier le projet pour assurer la sécurité de l’approvisionnement et la réalisation des objectifs de la Stratégie énergétique 2050.Concrètement, le DETEC est chargé d’élaborer un projet visant à adapter la loi sur l’énergie (LEne) comprenant de meilleures incitations à investir dans les énergies renouvelables indigènes.
Si le Conseil fédéral prévoit maintenant des mesures d’accompagnement pour le développement des énergies renouvelables indigènes – ce qui est positif – il doit aussi en prévoir pour le personnel de l’économique électrique afin qu’il ne soit pas pénalisé par une ouverture complète du marché. Sinon, la nouvelle LApEI n’obtiendra pas le soutien de Travail.Suisse.