Ces questions préoccupent les travailleurs depuis la mise en œuvre du congé paternité
Le 27 septembre 2020, le peuple suisse a adopté dans les urnes le congé paternité, en votant avec une majorité de oui qui a dépassé les 60 %. Suite à la pression exercée par Travail.Suisse, l’organisation indépendante des travailleurs, le Conseil fédéral a opté pour une mise en œuvre rapide de telle sorte que, depuis le 1er janvier, tous les pères bénéficient enfin d’un congé paternité. De nombreuses demandes de jeunes pères et mères montrent cependant où se trouvent les imprécisions et les points faibles de la nouvelle règlementation. Travail.Suisse continue d’observer ces développements et entreprendra aussi, à l'avenir, tout ce qui est faisable pour obtenir une mise en œuvre du nouveau congé paternité aussi favorable que possible pour la famille et les travailleurs, et pour que les lacunes puissent être comblées.
Depuis le début de cette année, les jeunes pères ont le droit de prendre deux semaines de congé paternité après la naissance de leur enfant. Le congé paternité est une étape pour la politique de la famille en Suisse et l’un des rares progrès réalisé ces dernières années en termes de politique sociale. De nombreuses demandes de pères et de mères, que nous avons reçues à Travail.Suisse, montrent qu’il existe encore beaucoup de questions et d’imprécisions concernant le droit à la prestation, le rapport avec les règlementations existantes et la prise effective du congé paternité. En outre, il faut procéder à des rectifications en particulier en ce qui concerne les rapports de travail de droit public et les circonstances de la naissance.
Les employés à titre temporaire ont aussi droit au congé paternité
C’est en particulier le droit à la prestation qui soulève de nombreuses questions. La base juridique de ce droit repose sur la paternité légale de l’employé. C'est-à-dire que le père doit être marié avec la mère de l’enfant ou reconnaître l’enfant dans un délai de six mois, pour pouvoir profiter du congé paternité. Pour percevoir une allocation pour perte de gain, il doit pouvoir justifier de neuf mois d’assurance AVS et de cinq mois d’activité professionnelle.
Travail.Suisse reçoit en permanence des questions de pères souhaitant savoir si c’est légal que leur employeur leur refuse complètement leur droit, ou ne leur permette pas de choisir eux-mêmes la date à laquelle ils prendront leur congé paternité. Le refus du congé paternité et même le fait d’exercer une pression émotionnelle sur le père pour qu’il y renonce de lui-même sont clairement illégaux. Comme il n’existe pas d’obligation de prendre le congé paternité, les employeurs disposent ici d’une marge de manœuvre illicite. Il est flagrant que les questions à ce propos proviennent souvent de travailleur se trouvant dans un rapport de travail temporaire. Toutefois, le droit à la prestation est ici clairement règlementé. Comme pour l'assurance maternité, la loi sur le congé paternité prévoit aussi pour les pères, le versement d’allocations pour perte de gain en compensation de leur salaire, s’ils ont cotisé suffisamment à l’AVS, c’est-à-dire au moins neuf mois avant la naissance et s’ils ont exercé une activité professionnelle pendant au moins cinq mois durant cette période. La problématique pour les employés à titre temporaire ne relève donc pas d’imprécisions légales dans la règlementation mais en premier lieu de l’ignorance ou d’une position d’abus de pouvoir de la part des employeurs.
La date du congé paternité peut être choisie librement
Beaucoup de demandes concernaient le libre choix de la date de prise du congé paternité. Il existe des employeurs qui interdisent aux travailleurs dans leurs entreprises de prendre le congé paternité directement après la naissance, en invoquant des prétextes liés à la situation de l’exploitation. Pour Travail.Suisse, les restrictions concernant l’organisation de la prise du congé paternité sont abusives. Les travailleurs sont habilités à déterminer eux-mêmes la date à laquelle ils vont faire valoir leur droit au congé paternité, bien évidemment en accord avec l’employeur*. A l’inverse des vacances, il est interdit d’imposer à l’employé la date de prise du congé paternité.
Malheureusement, le Parlement a lui-même omis de préciser dans le texte légal que le père avait l’entière souveraineté dans l’organisation de la prise du congé paternité, c'est-à-dire la possibilité de décider lui-même quand il veut exercer ce droit. Durant le débat parlementaire, non seulement le libre choix de la date n’a pas été contesté, mais plusieurs parlementaires ont en plus attiré l’attention sur le fait que le congé paternité serait une charge pour les entreprises, car les employés allaient être absents à des périodes défavorables. Ce qui signifie que le débat a eu lieu en partant du principe que les congés paternités seraient pris selon les besoins des pères, sans devoir prendre en compte la situation de l’entreprise. En conséquence de quoi, une contreproposition a été thématisée concernant le libre choix de la date des vacances. Le débat indique donc qu’il a toujours été clair pour les parlementaires que l’employé pouvait choisir librement la date de prise du congé paternité.
Gestion des solutions en vigueur jusque-là dans le droit des obligations et les conventions collectives de travail
On reçoit aussi régulièrement à Travail.Suisse des questions de pères sur l’évaluation et la compatibilité avec les solutions en vigueur jusque-là, en particulier avec les solutions des CCT et les « heures et jours de congé usuels » selon l’art. 329, al. 3, CO. Travail.Suisse a pu ici faire preuve de clarté grâce à un avis de droit . Ce dernier confirme que le droit au congé paternité est cumulé aux « heures et jours de congé usuels », c-à-d que le congé paternité commence seulement après l’octroi de ces « heures et jours de congé usuels ». Qui plus est, l’avis de droit soutient la revendication que les solutions existantes dans les conventions de collectives de travail sont comptabilisées, dans de nombreux cas, en plus du congé paternité légal.
Au cours des derniers mois, il s’est en plus avéré que les obstacles bureaucratiques dans les cantons concernant la reconnaissance de l’enfant pouvaient conduire à la suppression du droit au congé paternité, parce que les autorités cantonales mettaient trop de temps à reconnaître cette paternité. Cela pose problème actuellement, en particulier, dans le canton de Vaud. Travail.Suisse considère que les tracasseries administratives ne doivent pas conduire à la perte du droit au congé paternité de jeunes pères et exige que les cantons prennent immédiatement les mesures de rectification appropriées.
Les cantons n’ont pas tous reconnu ce besoin
En Suisse, il n'est toujours pas possible à tous les pères de bénéficier d’un congé paternité de deux semaines. Cela concerne en particulier les employés cantonaux, car ils ne sont pas employés habituellement sous un régime de droit privé mais sous un régime de droit public. A l’inverse, le congé paternité, qui relève du droit privé, est règlementé par le droit des obligations.
Alors que la plupart des cantons ont adapté leur droit du travail cantonal au mois de janvier 2021, permettant ainsi aux employés cantonaux et à leurs familles de profiter des dix jours de congé paternité, le canton d’Appenzell ER n’a pas estimé nécessaire d’agir en ce sens jusqu’à aujourd’hui et continue donc à n’accorder que cinq jours à ses employés. Les clarifications de Travail.Suisse ont cependant mis en évidence la possibilité accordée aux employées, de prendre cinq jours de congé paternité en plus des cinq jours accordés par le canton et d’en exiger le dédommagement directement auprès de la caisse de chômage. Cette solution montre en fin de compte surtout l'absurdité d’un tel refus. Travail.Suisse considère le refus du canton de prolonger le congé paternité à deux semaines comme une attitude méprisante à l'égard de ses employés et de leurs familles et critique sa décision, car elle constitue de prime abord une entrave à l’égalité entre homme et femme.
Une solution sans compassion en cas de décès de l’enfant
Le Parlement fédéral ne fait parfois pas non plus preuve de générosité dans certains domaines. En effet, la décision de suppression du congé paternité en cas de décès de l’enfant (cf. art. 16j al. 3 let. d) a déjà été condamné, à juste titre, comme « sans cœur » dans les débats par la Conseillère nationale Martina Munz (SH). Alors que le droit au congé maternité est maintenu, à juste titre aussi, quand l’enfant décède après la naissance, respectivement si la grossesse a duré au moins 23 semaines, le père a seulement le droit à quelques journées de congé en cas de décès de ses proches ; trois jours en règle générale. Les différentes demandes qui ont été envoyées à Travail.Suisse montrent que le manque de temps constitue un vrai problème pour les familles frappées par une telle tragédie. Travail.Suisse regrette amèrement qu’il ne soit pas assez tenu compte ici de la situation psychique des pères et mères et réclame une adaptation urgente du règlement.
Dans les presque 150 jours écoulés depuis l’entrée en vigueur du congé paternité, certaines imprécisions voire même certaines lacunes ont été mises en évidence. Malgré tout, ce congé paternité est une vraie réussite pour la politique de la famille, car il apporte un soulagement ainsi qu’une période de temps précieuse aux jeunes familles. Travail.Suisse continue de s’investir pleinement pour qu’à l'avenir davantage de jeunes familles puissent en profiter.
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(1): Vers le communiqué de presse