Proches aidants – après les hors d’œuvre, le plat principal ?
Le Parlement a adopté en décembre dernier une série de mesures prévues pour venir en aide aux proches aidants qui travaillent lorsque des cas d’urgence se présentent. C’est une véritable avancée sociale qu’il ne faut pas sous-estimer. Tous les problèmes sont-ils alors résolus ? Pour répondre à cette question, il faut se plonger dans les rapports de recherche publiés dans le cadre du Programme de promotion de la Confédération. On s’en doutait un peu : il y a encore fort à faire.
Extension du congé de courte durée d’urgence à d’autres ayant droit et d’autres bénéficiaires ; création d’un congé de prise en charge de longue durée de 14 semaines pour les parents dont les enfants sont gravement malades ou accidentés ; modernisation des bonifications d’assistance ; suppression de la suspension du paiement des allocations pour impotence et du supplément pour soins intenses lors de d’hospitalisation d’enfants concernés ; correction du montant maximal reconnu au titre de loyer dans le calcul des prestations complémentaires : les cinq mesures adoptées par le Parlement lors de la session de l’hiver dernier représentent une avancée remarquable dont vont bénéficier bon nombre de proches aidants en Suisse, à savoir ceux et celles qui ont une activité lucrative et doivent concilier leur travail avec leurs tâches privées. C’est presque du jamais vu.
Après une législature marquée par une forte majorité de droite - perçue par de nombreux observateurs comme arrogante - plus encline à faire la démonstration de sa force numérique qu’à trouver des solutions adaptées au plus grand nombre, l’adoption de ce paquet de mesures est remarquable. Dans un contexte politique difficile, le paquet législatif proposé par le Conseil fédéral a pourtant réussi à convaincre les plus récalcitrants à toute innovation sociale. L’intense lobbying de Travail.Suisse, de la Communauté d’intérêts Proches aidants CIPA et de ses membres depuis des mois n’est pas étranger à ce succès. Le nombre élevé de proches aidants en Suisse – près de 2 millions - explique aussi certainement que des élues et des élus aient enfin pris la mesure du phénomène. Qui ne connaît pas quelqu’un dans son entourage qui est concerné par des tâches d’aide et de soutien à un parent, un proche, un voisin du village ? Qui n’est pas témoin de leurs difficultés au jour le jour ?
Après les cas d’urgence, il faut prévoir le long terme
Voilà une bataille de gagné, mais l’armistice n’est pas encore pour demain. Les proches aidants qui travaillent se sont vu reconnaître des besoins particuliers et Travail.Suisse en est très satisfaite. Pour les travailleuses et les travailleurs, l’horizon sera un peu moins noir dès que les mesures entreront en vigueur. Mais ces cinq mesures ne sont pas tout. On pourrait presque dire qu’il s’agit des hors d’œuvre et qu’on doit mettre sans tarder sur le feu les plats principaux du menu.
Le Conseil fédéral, avec le Parlement, a décidé de résoudre les questions d’urgence en premier. Aucune réponse n’est encore donnée pour les situations où un adulte – un conjoint, une partenaire – a besoin de soutien au quotidien. Par exemple, après un accident vasculaire cérébral, la rééducation ne permet pas toujours à la victime de recouvrer sa complète autonomie. Comment concilier alors un emploi et de lourdes tâches de proche aidant au quotidien ? Une partie des tâches peut sans doute être externalisée, mais faire appel à des services d’aide et de soins à domicile représente un coût parfois insupportable. Ou alors les services ne sont pas suffisants dans la région où l’on habite.
Les besoins financiers sont au cœur des préoccupations
Le Programme de promotion « Offres visant à décharger les proches aidants » a pour but d’étudier, entre 2017et 2020, la situation et les besoins des proches aidants. Les différentes recherches sont presque toutes achevées : neuf rapports sont déjà publiés sur le site de l’Office fédéral de la santé publique OFSP . Cinq mandats de recherche sont encore en cours.
Les recherches ont porté sur des aspects différents : les besoins des proches aidants en matière de soutien et de décharge et ce, dans différents cantons, ou leurs besoins dans les situations de crise et d’urgence. Les tâches de coordination des soins par les proches aidants, souvent oubliées par la recherche, ont fait l’objet d’une étude particulière. Les facteurs qui influencent le recours aux structures de jour et de nuit, tout comme l’analyse des difficultés pour y accéder, sont analysés, ainsi que la situation financière des familles lorsqu’une prise en charge de proches est organisée à domicile. Au niveau des entreprises, les mesures prises à titre volontaire sont répertoriées et analysées.
Sans attendre le rapport de synthèse prévu pour cette année, il est possible d’esquisser les premiers champs d’intervention au niveau fédéral, quand bien même le domaine de la santé en général échoit aux cantons. La question financière des proches aidants est au cœur de beaucoup de besoins.
- En tant que proche aidant, il est difficile d’obtenir automatiquement une information simple, claire et rapide sur toutes les aides existantes et auxquelles on a déjà droit. De plus, l’accès aux aides est semé d’embûches administratives (délai d’attente, procédure annuelle de demande, paiement rétroactif, pas de prise en charge des coûts élevés en cas d’aide reçue sous condition de ressources, etc.).
- La perte de gain que l’on subit en s’engageant auprès d’un proche est très rarement compensée dans les assurances sociales existantes. Le revenu des proches aidants est largement « mangé » par le coût des offres de décharge. Il faut constater que la tarification ne tient en général pas compte du revenu, ni ne prévoit de plafonnement. Et c’est sans parler des tarifs et de la fiscalité très différents selon le canton où l’on habite.
- Cela a été beaucoup critiqué dans le projet législatif du Conseil fédéral : aucune allocation pour tâches d’assistance n’y était prévue. Tout comme il a ignoré le besoin des proches aidants à pouvoir se reposer au moins une semaine par année, tous frais payés.
Cette liste n’est pas exhaustive et on constate déjà que le travail ne manquera pas. Nous devons nous assurer que notre société puisse continuer à compter sur le travail des proches en leur ménageant une santé, une vie et une retraite dignes, à la hauteur de leur engagement.