Oui de raison à l’imposition minimale
Il faut soutenir ce projet car l’imposition minimale internationale des grandes entreprises permet d’empêcher qu’elles ne paient que très peu d’impôts en déplaçant leurs sièges dans les pays à très faible imposition. La manière d’utiliser les recettes fiscales supplémentaires n’est pas optimale. Mais un rejet ferait perdre à la Suisse d’importantes recettes fiscales, et sans garantie qu’on puisse avoir un meilleur projet. Pour ces raisons, Travail.Suisse dit oui à cet objet par pragmatisme.
La Confédération doit régler la mise en œuvre de l’imposition minimale de l’OCDE et du G20 des grands groupes d’entreprises). Sinon, la Suisse perdra d’importantes recettes fiscales du fait que de nombreuses multinationales suisses ou établies en Suisse verseront alors la différence d’imposition à l’étranger. Le Conseil fédéral propose un impôt complémentaire pour mettre en oeuvre ce projet. Son application est limitée aux grands groupes d'entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires mondial d'au moins 750 millions d'euros et dont le taux d'imposition est inférieur au taux d'imposition minimal de 15 %. Si un Etat concerné ne joue pas le jeu, des impôts supplémentaires seront exigés dans un autre pays. La Suisse, avec ses cantons à bas taux d'imposition des entreprises, doit mettre en œuvre ce projet si elle veut éviter de laisser filer d’importantes recettes fiscales à l'étranger. 200 entreprises helvétiques et 2000 filiales de groupes étrangers sont concernées.
Aucune estimation très fiable n'existe sur les recettes de l'impôt complémentaire (cela va de 1 à 2,5 milliards de francs). La Confédération recevra 25 % des recettes provenant de l'impôt complémentaire. Elles seront affectées à la couverture des dépenses supplémentaires liées à la péréquation financière nationale et au renforcement de l'attrait de la place économique suisse. Le projet n'aura donc aucune incidence négative sur les finances de la Confédération. Les cantons conserveront 75 % des recettes. Ils sont libres d'utiliser les fonds comme ils l'entendent tout en devant tenir compte des communes de manière appropriée.
Une modification de la Constitution fédérale est nécessaire pour appliquer l'imposition différenciée des entreprises. C’est pourquoi, le projet est soumis au peuple et aux cantons le 18 juin 2023. Une ordonnance transitoire, déjà mise en consultation, doit ensuite garantir l'entrée en vigueur de l'imposition minimale le 1er janvier 2024. La loi correspondante sera adoptée ultérieurement.
Utilisation des recettes supplémentaires encore perfectible
Travail.Suisse a soutenu ce projet sur le fond car l’imposition minimale internationale des grandes entreprises permet d’empêcher qu’elles ne paient que très peu d’impôts en déplaçant leurs sièges dans les pays à très faible imposition. Ce projet a des répercussions importantes pour les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et pour la place économique, le service public et les emplois. Dans ce cadre, Travail.Suisse a proposé une mise en œuvre équilibrée, en utilisant une partie des recettes supplémentaires pour des mesures qui bénéficient conjointement aux salarié-e-s et aux entreprises, en particulier pour la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
La proposition d’utiliser 50% des recettes pour la Confédération n’a finalement pas été retenue lors du processus parlementaire. Travail.Suisse se montre critique face à l’utilisation prévisible de certains cantons (en particulier les petits cantons au bas taux d’imposition) d’utiliser les recettes supplémentaires surtout pour des mesures de promotion fiscale et économique.
Plus d’avantages que de désavantages
Les aspects positifs du projet sont les suivants :
- L’introduction d’une imposition minimale effective de 15% pour les grandes entreprises comble des lacunes qui permet aux grandes entreprises de payer très peu d’impôts et privent les Etats de ressources fiscales importantes
- L’imposition minimale apporte des recettes fiscales supplémentaires en Suisse
- Le projet n’entraîne pas de pertes fiscales pour la Confédération, les cantons et les communes
- L’adaptation de la péréquation financière devrait favoriser une certaine justice dans la répartition des recettes entre cantons
En revanche, l’utilisation des recettes supplémentaires ne correspond pas aux propositions faites par Travail.Suisse lors du processus de consultation. Les cantons à bas taux d’imposition, et qui recevront une part plus importante des recettes fiscales supplémentaires, prévoient d’utiliser les recettes surtout pour renforcer l’attractivité économique. C’est pourquoi, en cas d’acceptation du projet, Travail.Suisse encourage ses organisations régionales et cantonales à influencer la politique cantonale pour que les recettes supplémentaires de l’imposition minimale ne servent pas seulement à renforcer l’attractivité économique et fiscale mais aussi à servir les intérêts de la population.
Toutefois, il n’y pas lieu de craindre une recrudescence marquée de la concurrence fiscale dans la mesure où ce sont les petits cantons à basse fiscalité qui doivent remonter le plus leurs taux d’imposition.