Les membres de l’Union Européenne devront prévoir différents congés pour favoriser la conciliation entre l’activité professionnelle et le travail familial. Congé parental, congé paternité et congé pour les proches aidants, ainsi que souplesse dans l’organisation du travail ont fait l’objet d’un accord le 24 janvier dernier entre le Parlement et le Conseil, sur proposition de la Commission. L’examen des détails démontre que le congé paternité, comme le demande l’initiative populaire, complètera un futur congé parental.
En matière de politique familiale, et en particulier de mesures favorisant l’articulation de la vie professionnelle et de la vie privée et familiale, la Suisse est à la traîne de l’Europe et des pays de l’OCDE. Pour mémoire, la durée moyenne du congé parental des pays de l’OCDE est de 54,4 semaines, la médiane à 43 semaines1. L’îlot de richesse qu’est notre pays se distingue aussi par sa pingrerie en matière de congés payés : seul le congé maternité a vu le jour en 2005, cinquante ans après que son principe ait été ancré dans la Constitution fédérale. Cette immobilité politique a conduit l’association « Le congé paternité maintenant ! », dont Travail.Suisse fait partie, à récolter en un temps record les signatures nécessaires au dépôt en 2017 d’une initiative populaire demandant l’instauration d’un congé paternité raisonnable et flexible de 20 jours payés.
L’initiative se voit opposer un contre-projet indirect par la commission sociale du Conseil des Etats. Au passage, il propose de diminuer sa durée de moitié. La consultation est en cours, et quelques associations d’arrière-garde trouvent que dix jours, c’est encore trop, en total décalage avec l’évolution de la société et des besoins des familles. Au-delà de nos frontières, la thématique est bien comprise et le dossier de la conciliation évolue encore. De nouvelles dispositions contraignantes seront bientôt adoptées par l’Union européenne
Seuls six pays de l’UE devront adapter leur législation en matière de congés
L’accord signé2 le 24 janvier 2019 entre le Parlement européen et le Conseil est encore provisoire. Il doit encore être adopté formellement par les deux instances, ce qui est prévu en février ou en mars. Les nouvelles dispositions instaurant de nouveaux droits pour les parents et les proches aidants entreront en vigueur 20 jours après la publication officielle de la décision. Sur les 28 Etats que compte l’Union Européenne UE, seuls le Luxembourg, la Finlande, Malte, Chypre, la Slovaquie et le Royaume-Uni (sur le départ !) devront adapter leur législation dans les trois ans à venir pour appliquer ces normes minimales. Car nos voisins européens sont majoritaires à offrir bien mieux que la Suisse en matière de dispositions favorables aux familles.
L’UE connaît déjà le congé parental de quatre mois. Ce qui est nouveau, ce sont les deux mois non transférables entre parents d’une part, et d’autre part le paiement obligatoire d’une compensation du salaire durant ces deux mois. Complémentaire au congé parental, l’accord prévoit un congé paternité de dix jours payé au même taux que le congé maternité.
Les proches aidants enfin reconnus
Dernier congé prévu par l’accord européen, le nouveau congé pour proche aidant de cinq jours. Il devra être accordé à toute personne qui aide et soigne un-e proche gravement malade ou dépendant-e. Mais ce temps n’est malheureusement pas compensé financièrement. C’est un nouveau droit, mais qui ne servira qu’à ceux et celles qui peuvent se permettre de se passer de salaire durant cinq jours. C’est rarement le cas des proches aidants qui doivent faire face à des frais supplémentaires liés à la maladie, au handicap, etc. de la personne assistée. Les Etats membres sont tout de même encouragés à prévoir une rémunération.
Qu’on ne s’y trompe pas : ces différents congés constituent un socle minimal au-dessous duquel aucun Etat ne doit pouvoir déroger. Rien n’empêche les Etats membres de prévoir des dispositions plus généreuses. C’est le cas de la France, plus généreuse au niveau du droit à prendre le temps nécessaire pour du « travail de care » réalisé auprès de proches. Notre grande voisine a adopté depuis le 1er janvier 2017 un « congé proche aidant » de trois mois renouvelable mais ne pouvant pas dépasser une année entière sur toute une carrière. Elle s’est pourtant arrêtée au milieu du gué en ne prévoyant aucun dédommagement financier durant ce congé.
Pour une souplesse négociée, contre une flexibilité à sens unique
Dans son document de position sur l’égalité3, Travail.Suisse revendique de la souplesse négociée, au lieu d’une flexibilité souvent imposée par l’employeur. A l’instar de cette revendication, l’accord du 24 janvier de l’UE autorisera les parents et personnes qui travaillent à demander un ajustement de leurs habitudes de travail, y compris par le biais d’un horaire de travail à distance ou flexible. La souplesse permet d’adapter le travail à l’être humain et non l’inverse, comme c’est le cas quand on ne parle que de flexibilité des horaires de travail ou de la suppression de la saisie du temps de travail, une déclinaison ultralibérale qui ne profite qu’aux employeurs.
Le congé paternité : une première étape à ne pas manquer
A l’heure où le contre-projet indirect à l’initiative sur le congé paternité est en consultation, quelques voix estiment qu’il eût été préférable de se bagarrer dès le départ en faveur d’un véritable congé parental. Pourtant chez nos voisins, le congé parental comprend bien souvent le congé paternité, de sorte que l’adoption d’un congé paternité lié à la naissance d’un enfant constitue une première étape. C’est une première marche à ne pas sauter sur le long chemin menant à l’adoption d’un congé parental de plusieurs mois bénéficiant autant à la mère qu’au père. Un tel congé devra prévoir des parts réservées à l’un et à l’autre parent, tout comme aujourd’hui un congé de naissance spécifique est réservé à la mère (le congé maternité), et demain, Travail.Suisse et une majorité de la population votante l’espèrent , au père avec le congé paternité raisonnable de 20 jours.
fn. 1Interview d’Anja Wyden Guelpa, Présidente de la Commission fédérale pour les questions familiales COFF, pour swissinfo, 20 août 2018.
2« Équilibre entre vie professionnelle et vie privée: la Commission se félicite de l’accord provisoire », Commission européenne, Actualités, 24 janvier 2019.
3Position Travail.Suisse – « Egalité hommes-femmes aujourd’hui et demain – 28 revendications pour plus de liberté de choix afin de garantir la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses