La loi relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RAFFA) a comme principal mérite de compenser les deux milliards de pertes fiscales de la réforme. Le faire pour l’AVS est judicieux au vu des déficits croissants et parce que tous en profitent. La forte baisse des taux d’imposition des entreprises dans plusieurs cantons est négative mais c’est au niveau cantonal que se trouvent des solutions. Il est aussi urgent de boucler cette réforme si la Suisse ne veut pas figurer sur la liste noire des paradis fiscaux, ce qui nuira à l’emploi. Pour ces raisons, le comité de Travail.Suisse a dit oui à RAFFA à la majorité de ses membres.
Les régimes fiscaux cantonaux privilégiant les entreprises multinationales sont devenus inacceptables sur le plan international. Travail.Suisse a toujours plaidé pour leur suppression. Hélas, la voie choisie, au lieu de prévoir un taux minimum d’imposition des entreprises au niveau fédéral, a encouragé la baisse des taux d’imposition cantonaux. La réforme de l’imposition des entreprises III (RIE III) provoquait des pertes de 1,3 milliards de francs pour la Confédération et estimées en milliards de francs pour les cantons sans prévoir de compensation sociale ! Travail.Suisse a soutenu le référendum et a mené campagne. En février 2017, le peuple rejetait la RIE III à 59.1% des voix. Le nouveau projet du Conseil fédéral (Projet fiscal 17) a prévu une compensation sociale en relevant de trente francs les prescriptions minimales en matière d’allocations familiales. Pour Travail.Suisse c’était clairement insuffisant. Le PF 17 a été corrigé par le Parlement surtout au niveau de la manière de compenser les pertes fiscales.
Avec RAFFA, les deux milliards de francs de pertes fiscales sont compensées pour l’AVS ainsi:
• 1.2 Mrd (Augmentation du taux de cotisation 0,15% Employés et 0.15% Employeurs)
• 0.5 Mrd (TVA déjà prélevée, va actuellement dans la caisse fédérale)
• 0.4 Mrd (Augmentation du % des dépenses AVS provenant de la caisse fédérale).
La compensation sociale pour l’AVS a l’avantage de concerner l’ensemble de la population et de consolider l’AVS. Les déficits pourront être repoussés pour de nombreuses années (environ 40% de la bosse démographique). Certes, le contre-financement de l’économie est modeste et les salariés contribuent aussi par la hausse de la cotisation AVS. Ce dernier point peut être relativisé car les indépendants cotisent aussi et les hauts salaires cotisent bien plus qu’ils ne perçoivent de rente AVS alors que la grande majorité (93%) retirent plus de rentes qu’ils ne paient de cotisations.
Importantes corrections de la RIE III
Le succès du référendum contre la RIE III n’aura donc pas été vain. RAFFA corrige en effet plusieurs points cruciaux qui avaient été à l’origine du rejet de la RIE III par le peuple. Les voici :
• Les pertes fiscales de deux milliards de francs sont compensées pour l’AVS (RIE III rien !)
• La déduction pour autofinancement des groupes, un des éléments les plus contestés de la RIE III, est supprimée au niveau fédéral. Elle peut être introduite au niveau cantonal mais à des conditions strictes (seul ZH pourrait l’utiliser avec un taux d’imposition de 18%).
• Les cantons ont indiqué pour la plupart leur plan de mise en œuvre et les communes recevront une part de l’augmentation de l’impôt fédéral direct. Les cantons qui baissent fortement leurs taux d’imposition ont prévu des mesures de compensation sociale en partie contre-financées par l’économie. Ces cantons font en général un usage modéré des nouveaux instruments fiscaux ou ne les utilisent pas tous.
• Introduction d’un plancher de 50% pour l’imposition des dividendes au niveau cantonal (des cantons sont encore en-dessous) et de 70% au niveau fédéral.
• Le cumul des allégements fiscaux est limité à 70% (RIE III : 80%). La part fédérale de l’imposition de 8.5% n’est pas concernée.
• L’apport en capital, tant décrié dans la RIE II, est partiellement corrigé : les entreprises cotées en bourse ne peuvent faire des remboursements non imposés de réserves issues d’apports de capital aux actionnaires que si elles distribuent des dividendes imposables pour un montant équivalent.
Taux d’imposition cantonaux bien trop bas
Le principal problème qui subsiste est celui des taux d’imposition cantonaux qui baissent fortement. On passe d’une moyenne nationale de 18% à 14%. Mais au vu de l’autonomie fiscale cantonale, la solution qui aurait consisté à fixer un taux d’imposition minimal de 16% n’a jamais eu la moindre chance. Il faut donc utiliser la voie de l’initiative ou du référendum cantonal dans les cas de trop forte baisse du taux d’imposition ou d’une compensation sociale insuffisante dans l’un ou l’autre canton. RAFFA n’empêche pas une politique d’imposition préjudiciable à d’autres pays, en particulier les pays en développement, avec le maintien de certaines astuces fiscales. La Suisse doit s’impliquer davantage dans le projet BEPS de l’OCDE (érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices).
Un référendum porteur de risques
Contrairement à la RIE III, un refus de RAFFA en votation populaire ne peut guère améliorer le projet au niveau fédéral, tout en présentant des risques. L’obligation faite à la Suisse de supprimer au plus tard en 2019 les régimes fiscaux cantonaux, sous peine de voir notre pays sur une liste noire, pourrait conduire une majorité de centre droite à supprimer les régimes fiscaux sans compensation, faute de consensus ou de temps. Ce climat d’incertitude sera aussi nocif pour l’investissement et les emplois.
Un oui de raison à RAFFA
Pour ces différentes raisons, Travail.Suisse a décidé de ne pas soutenir le référendum lancé contre RAFFA. Le oui à RAFFA est un oui critique et de raison. C’est bien au niveau cantonal et pas fédéral qu’il faudra agir dans les cas où RAFFA entraînerait des réductions importantes de prestations de service public dans les cantons qui ont baissé fortement leurs taux d’imposition pour les entreprises.