Le Conseil fédéral veut développer l’assurance-invalidité pour un coût neutre. Le Parlement actuel penche pour des économies à tout prix. Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs, estime que, pour améliorer les chances d’intégration des personnes handicapées, il faut fixer des objectifs contraignants et investir.
Une convention de collaboration obligatoire entre la Confédération et les partenaires sociaux pourrait jouer un rôle-clé. Le passage à un système de rentes partiellement linéaire seulement menace par contre toute la révision. Si l’on doit en passer par là, que ce système soit correct au moins – c’est-à-dire qu’il prévoie une rente AI à partir de 10 pour cent d’invalidité, comme le fait l’assurance-accident.
Conseil fédéral veut continuer d’encourager l’intégration professionnelle
Beaucoup des propositions du Conseil fédéral concernant la nouvelle révision de l’AI méritent d’être retenues. Travail.Suisse approuve l’idée du Conseil fédéral de continuer d’encourager l’intégration professionnelle, notamment en développant les mesures de soutien aux personnes handicapées psychiquement et aux jeunes. Travail.Suisse salue en particulier le développement et le suivi de consultations axées sur l’intégration et l’organisation plus souple des mesures d’intégration. Cela permet notamment aux jeunes atteints dans leur santé de bien maîtriser leur entrée dans la vie professionnelle.
Un engagement obligatoire de tous les intéressés est nécessaire
Pour que l’intégration réussisse, il faut plus qu’un supplément de compétences accordé aux offices AI. Il est dans l’intérêt de tous les acteurs de mieux utiliser le potentiel des personnes handicapées sur le marché du travail. Les employeurs aussi l’affirment haut et fort. Ils dirigent des projets d’intégration de personnes handicapées, tels que Compasso. Du côté des travailleurs, Travail.Suisse milite pour l’intégration de personnes handicapées par le biais de conventions collectives de travail1. Si notre société entend avancer dans l’intégration professionnelle des personnes handicapées, il est temps que l’engagement passe de l’état de projet à celui de l’exécution obligatoire.
L’engagement commun des partenaires sociaux est nécessaire à l’intégration
La révision de l’AI prévoit de créer la base d’une convention de collaboration entre la Confédération et les organisations faîtières du monde du travail. Toutefois, il n’y sera question que des bases communes et de la clarification des compétences. C’est trop peu. Il faut un engagement commun des partenaires sociaux et de la Confédération visant des objectifs quantitatifs et mesurables. Cette révision touche des gens jeunes. Il faut dès lors se reporter aux expériences faites dans le domaine « Transition 1 » (passage de l’école à la profession) et à celles du marché des apprentissages. Là aussi les employeurs jouent un rôle capital. Travail.Suisse attend des employeurs un engagement sans faille dans le domaine des personnes handicapées aussi.
L’engagement visant un objectif commun mesurable donnerait plus de force aux efforts consentis par les différentes branches. Des objectifs quantitatifs pourraient être définis pour certaines branches. Celles qui s’engagent fermement dans le cadre d’une convention collective de travail à intégrer des personnes handicapées devraient – en contrepartie – obtenir un soutien plus fort de l’AI, dans les domaines de l’intervention précoce, de l’accompagnement ou du conseil, mais aussi dans le domaine financier pour le développement et l’exécution de concepts de pratiques optimales (best practice). Cette voie tiendrait mieux compte de la situation complexe des intéressés que le slogan populiste « pas de rente AI pour les moins de trente ans », que les organisations d’employeurs répètent à longueur de temps. Mais si le Parlement reprend à son compte une telle demande, les jeunes ont d’autant plus besoin d’un engagement contraignant des employeurs, allant au-delà de quelques projets. Les employeurs feraient bien de s’imposer un plus grand engagement personnel. Sinon, on devra rediscuter tôt ou tard de quotas.
Système de rentes linéaire : s’il doit s’appliquer, que ce soit correctement
Le Conseil fédéral propose de réintroduire le système partiellement linéaire qui avait échoué lors de l’AI 6b déjà. En lieu et place du système actuel, avec ses quart, demi, trois quarts de rente et rente complète, la rente devrait en principe correspondre au degré d’invalidité à partir d’un degré d’invalidité de 50 pour cent. Le seuil d’entrée de 40 pour cent d’invalidité doit être maintenu. À partir de 70 pour cent d’invalidité, le Conseil fédéral entend conserver la rente complète. Considéré froidement, ce système de rentes dit linéaire n’en est pas un. Le Conseil fédéral en attend de meilleures incitations au travail lucratif. En théorie, c’est bien, mais cela ne colle pas avec la réalité. Dans le cas de l’AI, d’autres facteurs que l’incitation à travailler entrent souvent en jeu. Aujourd’hui, par exemple, les rentiers AI dont le degré d’invalidité est évalué à 70 pour cent ont droit à une rente complète. Et cela, même s’ils exercent sur le marché du travail leur capacité résiduelle de 30 pour cent. Une incitation maximale au travail lucratif donc, qui se heurte pourtant au manque d’emplois et ne peut se concrétiser. Le facteur limitant est donc le manque d’emplois, qui neutralise le système d’incitation. Dans les degrés élevés d’invalidité, ces mécanismes économiques théoriques ne jouent guère.
Fausses incitations avec des seuils d’entrée
Pour les degrés d’invalidité inférieurs, là où les incitations pourraient plus volontiers jouer, celles-ci sont proposées faussement, puisque le seuil d’entrée, soit une invalidité de 40 pour cent, est maintenu. Car l’incitation à augmenter à plus de 60 pour cent la capacité résiduelle de gagner sa vie et de ramener son degré d’invalidité à moins de 40 pour cent, est négative. Parce que le droit à une rente AI est ainsi complètement supprimé. Avec les conséquences financières qui en découlent. Ce seraient alors ces personnes, précisément, qui disposent encore d’une capacité résiduelle de gain considérable, qui pourraient réagir à des incitations – si tant est que ce soit possible. Par conséquent, s’il le faut, un véritable système linéaire de rentes devrait être mis en place, sur le modèle de l’assurance-accident. Celle-ci prévoit une rente partielle proportionnelle à partir d’un degré d’invalidité de 10 pour cent. L’incitation des rentiers de l’assurance-accidents à augmenter leur capacité de gagner leur vie est ainsi bien plus forte, parce que de cette manière, la rente n’est pas simplement supprimée.
Travail.Suisse est également très sceptique, pour des raisons politiques aussi, quant à un système de rentes partiellement linéaire. La modification est un des motifs qui ont entraîné l’échec de la révision 6b de l’AI. On risque maintenant un nouvel échec, sans que le nouveau système élimine les faiblesses essentielles du système actuel. Travail.Suisse milite donc pour un système de rentes linéaire plus fort, s’étalant entre des degrés d’invalidité de 10 à 70 pour cent.
Un projet d’économies n’est pas de mise
La Commission sociale du Conseil national, dominée par les partis bourgeois, s’est déjà attelée à un projet d’économies dans le cadre de la nouvelle révision de l’AI. Elle entend diminuer les rentes pour enfants et les frais de déplacement. Elle examine en outre une réglementation qui interdirait d’accorder une rente à des personnes de moins de 30 ans. Après ça, il n’y aurait rien d’étonnant à voir fixer, dans le cadre du nouveau système de rentes, la rente complète à partir d’un degré d’invalidité de 80 pour cent. Tout cela, Travail.Suisse le refuse avec véhémence. Le citron des économies est pressé jusqu’à la dernière goutte en ce qui concerne l’AI, si celle-ci doit continuer de remplir au plus près sa tâche, qui consiste à assurer l’existence. Travail.Suisse accompagnera la révision de l’AI de manière critique dans cette perspective.
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fn. 1 Travail.Suisse : « Favoriser l’intégration des personnes en situation de handicap sur le marché du travail au moyen de conventions collectives », Berne 2018. Web: http://www.travailsuisse.ch/themes/travail/cct_et_personnes_avec_handic…
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