L’économie suisse profite de la relance dans la zone euro et de la baisse du franc suisse. Elle se trouve au début d’une reprise économique : Pour l’année prochaine, les pronostics affichent une croissance du PIB allant jusqu’à 2,4%. L’automne salarial, quant à lui, se présente comme un contraste à ce pronostic prometteur. À côté de quelques décisions de gels des salaires, les salaires des travailleurs en Suisse vont augmenter seulement entre 0,5 et 1%. Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs considère les accords salariaux 2018 comme insuffisants. L’attribution de mesures générales en augmentation par rapport aux dernières années est cependant un signal positif.
En août 2017, l’association faîtière Travail.Suisse et ses fédérations Syna, transfair et Hotel&Gastro Union ont ouvert les négociations salariales 2018. Compte tenu de la reprise économique qui s’annonçait d’ores et déjà, des augmentations salariales d’un ordre de grandeur de 1,5 % ont été réclamées. Grâce à la stabilisation économique dans l’environnement européen et la baisse sensible du franc suisse, le développement économique s’est amélioré en permanence au cours du 2ème semestre 2017. Les perspectives sont, elles aussi, positives. L’indice des directeurs d’achat de Credit Suisse de novembre a donc été publié en titrant : « L’industrie suisse connaît un nouveau boom »1. Le PMI se trouve à 65,1 points, ce qui correspond à la valeur la plus élevée depuis plus de 7 ans. Cela signifie que : Les carnets de commande sont remplis et la production tourne à plein régime. Les pronostics du PIB montrent, eux aussi, que l’économie suisse va connaître une reprise bien étayée durant l’année à venir. Aussi bien le SECO, le KOF que le BAK de Bâle s’attendent à un taux de croissance allant jusqu’à 2,4 % pour l’année prochaine. Jusqu’à aujourd’hui, les travailleurs ont trop peu bénéficié du développement économique positif et des formidables perspectives. C’est ce que montrent les résultats des négociations salariales de cet automne.
Résultats insuffisants des accords salariaux, mais répartition de nouveau plus équitable
Pour une grande partie des travailleurs, les salaires vont augmenter entre 0,5 et 1 % en 2018. Ce résultat est insuffisant, surtout si l’on regarde le développement du renchérissement. Après une assez longue période pratiquement sans aucun renchérissement, l’inflation a de nouveau repris en 2017 et se situera pour l’ensemble de l’année à un taux d’environ 0,5%. Les primes d’assurance-maladie ont également fortement augmenté. Selon l’Office fédéral de la statistique2 , les revenus disponibles en 2017 ont ainsi diminué de 0,3%. La plupart des travailleurs n’auront donc, malgré les augmentations de salaire, pas plus d’argent disponible en valeur réelle dans leur budget. La situation dans la branche de la construction est particulièrement insatisfaisante. Malgré les très bonnes années précédentes et une stagnation des salaires au cours des dernières années, un gel des salaires a de nouveau été annoncé. L’échec des négociations salariales dans la restauration sont également inquiétantes et ne vont pas contribuer à améliorer l’image de la branche. Ainsi, le « Baromètre Conditions de travail » de Travail.Suisse montre clairement que c’est précisément dans la restauration que le problème de la rémunération est le plus marqué. Environ 54% des travailleurs considèrent leurs revenus comme inappropriés.3 L’évaluation de la répartition est, par contre, plus positive, même si les mesures salariales individuelles restent prépondérantes, comme auparavant. La conséquence, c’est que tous ne peuvent pas participer au développement positif de l’activité et que l’octroi des augmentations de salaire est peu transparent, voire même arbitraire jusqu’à un certain niveau. C’est surtout dans certaines branches comme le commerce de détail ou des transports publics que l’on ne trouve presque que des mesures salariales individuelles. Dans le même temps, la part d’augmentations salariales réparties de manière générale a de nouveau augmenté par rapport aux années précédentes. La revendication obstinée pour des augmentations salariales générales, prônée par les syndicats, semble être de plus en plus couronnée de succès, au moins dans l’industrie et l’artisanat. Avec le redémarrage de l’inflation durant l’année, les augmentations salariales générales et nationales vont devoir gagner en importance pour maintenir le pouvoir d’achat des travailleurs.
Trop peu d’évolution pour les salaires minima, les salaires des femmes et le congé paternité
Avec des augmentations salariales aussi modestes, il y aurait eu moyen de donner un signal fort dans le domaine de salaires minima, des salaires des femmes ou des règlements concernant le congé paternité. Malheureusement les employeurs n’ont pas saisi ces opportunités. Aucune augmentation des salaires minima n’a pu être obtenue dans la plupart des branches. Pourtant ce serait faisable, comme l’ont montré la branche des boulangers, des pâtissiers et des confiseurs ainsi que la branche du nettoyage en augmentant leurs salaires minima ou Fenaco et Auto Uri AG, en faisant participer les bas revenus de manière avantageuse propotionnellement aux augmentations salariales. En ce qui concerne l’égalité du salaire entre les hommes et les femmes, les employeurs n’étaient pas disposés cette année non plus à fournir un effort particulier pour l’augmentation du salaire des femmes. Travail.Suisse souligne que l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes ne peut pas être obtenue sur une base volontaire et soutient donc la recherche d’une solution politique. Il est grand temps que le Parlement s’occupe du problème de la révision de la loi sur l’égalité et qu’il sollicite les entreprises pour un contrôle concernant l’égalité des salaires. Il est cependant vraisemblable que des mesures efficaces devraient être prises dans le domaine des contrôles et des sanctions, pour atteindre vraiment l’objectif de l’égalité des salaires. Concernant le thème du congé paternité, peu de progrès ont pu être enregistrés, là-aussi. À l’exception de Auto Uri AG (désormais 4 semaines) et dans la fabrication d’orgues (désormais 5 jours), aucune amélioration n’a pu être obtenue. Trop de travailleurs ne bénéficient toujours que du minimum légal d’un jour de congé paternité : l’équivalent de ce qui est accordé pour un changement de domicile. L’initiative lancée par Travail.Suisse et d’autres organisations (www.conge-paternite.ch) reste en fait la voie la plus réaliste pour obtenir un congé paternité de 20 jours pour tous les travailleurs.
________
fn. 1 https://www.procure.ch/fr/procure-swiss-magazin/detail/1/pmi-novembre-p…
2 Cf. indice des primes d’assurance-maladie 2017 ; Office fédéral de la statistique
3 cf. http://www.travailsuisse.ch/themes/travail/barometre_conditions_de_trav…