Il y a deux ans, Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs, a lancé son « Baromètre Conditions de travail ». Sur la base d’une enquête représentative, les travailleurs de Suisse y évaluent leurs conditions de travail. La troisième vague de sondages menée cette année permet d’observer les changements intervenus au fil du temps et la base de données élargie permet également d’évaluer plus en profondeur les conditions de travail spécifiques de chaque région ou de chaque branche. Les résultats seront présentés le 23 novembre lors d’une conférence de presse.
Dans notre société, le travail professionnel rémunéré revêt une importance essentielle ; il sert à assurer les besoins matériels de notre existence, mais cela va bien au-delà. Ne serait-ce que par le temps que nous lui consacrons, le travail occupe une partie importante de notre vie et il constitue un élément fondamental de notre développement personnel. Le travail a également une incidence sur d’autres aspects de notre vie et, partant, sa qualité – nos conditions de travail – influe considérablement sur notre qualité de vie. La qualité du travail est donc absolument centrale pour le bien-être des travailleurs. C’est l’aménagement des conditions de travail qui rend ce dernier plus ou moins satisfaisant aux yeux des travailleurs.
Une organisation du travail qui, notamment, protège la santé et offre un équilibre entre charge et décharge, fait partie des points clés d’un bon travail. Cela coïncide avec l’exigence – dans le domaine des sciences du travail – d’une organisation du travail qui ne cause aucun dommage ni aucun préjudice. De plus, avoir un bon travail signifie obtenir un revenu convenable et avoir une certaine sécurité de l’emploi. On doit également pouvoir reconnaître le sens de son propre travail et avoir une certaine marge de manœuvre, afin d’apporter ses propres compétences dans son travail. L’appréciation par le supérieur hiérarchique du travail fourni est tout aussi décisive qu’une relation avec l’employeur marquée dans son ensemble par la confiance. Afin d’éprouver de la satisfaction dans son travail en général et dans sa propre carrière en particulier, on doit avoir suffisamment de possibilités d’influence et être encouragé dans son développement professionnel. Son « Baromètre Conditions de travail » permet à Travail.Suisse d’offrir un instrument approprié pour évaluer les conditions de travail du point de vue des travailleurs. Par conséquent, cette évaluation par ces derniers doit être comprise comme une manière humaine de jauger leur travail, mesure qui se justifie au moins tout autant que des indicateurs relevant de l’économie de l’entreprise.
L’évaluation des conditions de travail est donc axée sur la question centrale de savoir si un bon travail est celui qui a un avenir. Un travail qui a de l’avenir doit ne pas nuire à la santé, maintenir la motivation et offrir une certaine sécurité aux travailleurs. La représentation schématique « Baromètre Conditions de travail » apparaît dans le graphique.
Rétrospective des premières vagues de sondages (2015 et 2016)
En ce qui concerne l’aspect santé, les facteurs psychosociaux liés à la charge (pour la santé) affichent notamment des valeurs négatives. Ainsi, près de 40% des travailleurs se sentent souvent, voire très souvent, stressés par leur travail et près d’un tiers des travailleurs se sentent souvent, voire très souvent, épuisés émotionnellement après une journée de travail. Et le présentéisme – présence au travail en dépit d’une maladie – est largement répandu. 30% des actifs déclarent qu’ils travaillent souvent, voire très souvent, en étant malades et seuls 19% ne se présentent jamais à leur travail en cas de maladie. De plus, l’enquête révèle que souvent, voire très souvent, 37.5% des travailleurs ne peuvent pas prendre leur pause ou du moins pas entièrement.
Quant à la dimension motivation, elle recueille fondamentalement les meilleures notes de la part des travailleurs. La motivation donne tout son sens à son propre travail auquel elle permet de s’identifier. Par contre, les possibilités de développement recueillent plutôt de mauvais points. Ainsi, 16.7% des travailleurs n’ont pas d’entretien annuel avec leur employeur et pour 39.2%, cet entretien n’est ni constructif ni utile. Près de la moitié des travailleurs ne reçoivent de la part de leur employeur aucun encouragement pour leur formation ou leur formation continue, ou si peu. Il est frappant de noter que les employeurs encouragent différemment leurs travailleurs à suivre une formation ou une formation continue selon le niveau de formation de ces derniers. Plus ce niveau de formation est élevé, plus les employeurs encouragent leurs collaborateurs à suivre une formation continue.
Au niveau de la sécurité de l’emploi, ce sont notamment les perspectives à moyen terme qui causent du souci aux travailleurs. Ce sentiment d’insécurité à moyen terme provient de la crainte largement répandue de voir la charge de travail augmenter dans un proche avenir, de l’impression de n’avoir guère d’influence sur les changements à apporter dans son propre poste et, en particulier, du souci qu’il serait difficile, si l’on perdait son emploi actuel, de retrouver un emploi comparable offrant un salaire similaire. Dans leur majorité, les travailleurs ressentent comme une réalité cette mobilité limitée sur le marché du travail. En outre, cette réalité augmente fortement en fonction de l’âge et touche deux tiers des travailleurs de 46 à 64 ans. De plus, le sondage révèle que les travailleurs issus de marchés du travail exposés – Tessin et région lémanique – sont particulièrement touchés par une mobilité restreinte sur le marché de l’emploi
Perspective de la troisième vague de sondages (2017)
Le « Baromètre Conditions de travail » permet de brosser un tableau de la qualité des conditions de travail en Suisse. Grâce à cette troisième vague de sondages, il est possible d’évaluer les changements et tendances intervenus au fil du temps. Une forme de « monitoring » (surveillance) des changements à apporter dans la manière d’évaluer les différents aspects des conditions de travail est assurément judicieuse et rentable pour une économie en mutation et sous l’emprise de métamorphoses économiques et politiques imposées sur le marché du travail (p. ex. franc fort, numérisation croissante, détente au niveau de l’obligation de saisir les temps de travail, etc.). Les questions récemment intégrées concernant les pauses, les entretiens avec les collaborateurs, les nouvelles questions que posent les incidences de la numérisation ouvrent de nouvelles perspectives intéressantes sur la réalité que vivent les travailleurs en Suisse. De plus, en s’élargissant, la base de données permet de mieux identifier les différences spécifiques des régions et des branches dans l’évaluation de la qualité des conditions de travail.