Avec le thème d’une société juste, des emplois de qualité et des droits des travailleurs, le Syndicat européen (CES) a tenu son congrès à Paris. Le fait que François Hollande, président de la République française et Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne y aient participé montre l’importance de la CES (voir encadré) en tant que force d’influence en Europe.
Mais si les déclarations fortes « prosyndicales » des « grands » de l’Union européenne ont été appréciées, il faudra maintenant les traduire en acte ont rappelé à plusieurs reprises divers intervenants. En tout cas, le nouveau secrétaire général qui a été élu, Luca Visentini (Italie) – il succède à ce poste à Bernadette Ségol (France) – ne veut pas perdre de temps : « La première chose que je ferai lundi matin sera d’écrire une lettre au Président de la Commission européenne pour le rencontrer » a-t-il indiqué dans son allocution de nouveau secrétaire général, devant un tonnerre d’applaudissements.
C’est que Juncker est plein de bonnes intentions : relancer le dialogue social en panne, assurer que le contrat à durée indéterminée soit bien la règle en Europe, concrétiser le principe à travail égal, salaire égal au même lieu de travail. Mais voilà : ces dernières années, l’UE a fait primer les libertés économiques sur les droits sociaux, s’est ingérée dans les affaires des partenaires sociaux en refusant des accords conclus au niveau européen entre les représentations d’employeurs et la CES (exemple du secteur de la coiffure). Il est donc logique d’attendre Juncker au contour.
C’est que depuis la crise financière de 2008, la situation sociale et économique en Europe n’a guère évolué favorablement : la croissance retrouvée tout récemment reste fragile et est insuffisante pour résorber le chômage. Le nombre de travailleurs pauvres, le travail à temps partiel involontaire et le travail précaire ont augmenté.
Un programme d’action sur trois piliers
Dans ce contexte très difficile, le congrès de la CES a adopté un programme d’action 2015-2019 et un Manifeste (version résumée du programme d’action) reposant sur trois piliers : le premier pilier veut une économie forte au service des citoyens. La CES demande un programme d’investissement annuel de 2 pourcent du PIB dans l’UE sur les 10 prochaines années pour créer des emplois. Une large place est faite aux emplois verts. C’est d’ailleurs à Paris que se tiendra à la fin novembre la conférence de l’ONU sur le climat. La protection de l’environnement et l’emploi vont de pair. Car une planète morte ne crée pas d’emplois.
Le second pilier veut des syndicats plus forts pour la défense de la démocratie au travail. Il faut renforcer les systèmes de négociation collective affaiblis par la crise et refuser l’ingérence des pouvoirs publics. Il faut aussi respecter le droit de grève, introduire un salaire minimum légal fixé en accord avec les partenaires sociaux.
Le troisième pilier veut un socle de normes sociales ambitieuses. Un protocole de progrès social européen doit faire partie de la Constitution de l’UE, pour combattre le dumping social et réaffirmer que les droits fondamentaux prévalent sur les libertés économiques.
Une cascade de résolutions d’urgence
Les délégué-e-s ont aussi adopté toute une série de résolutions d’actualité brûlante : crise des réfugiés en Europe, référendum au Royaume-Uni sur son appartenance à l’UE ou encore le droit de grève qui est mis sous pression en Espagne.
Travail.Suisse était bien représenté à ce Congrès, avec la participation d’Adrian Wüthrich, nouveau président de Travail.Suisse et Arno Kerst, président de Syna. A noter aussi que trois personnes de Jeunesse.Suisse ont participé en tant qu’observateurs. Ils pourront se réjouir du fait que le Congrès ait accepté d’améliorer la participation des jeunes dans la représentation des instances du syndicat européen. La question se pose d’ailleurs toujours aussi pour les femmes : une résolution a donné le mandat à la nouvelle équipe de la CES de favoriser une meilleure représentation des femmes dans les différents organes.
La CES doit devenir plus proactive
Depuis 2011, date du précédent congrès (Athènes) on a vu une CES plutôt sur la défensive et réactive dans un contexte de politiques d’austérité. Afin que la CES soit plus offensive et proactive, le congrès a adopté un document sur le rôle de la CES pour la période 2015-2019. Il s’agira de mieux fixer les priorités et de revoir les modes de fonctionnement afin de peser davantage sur les institutions de l’Union européenne. Une première occasion lui est donnée : en soutenant l’initiative citoyenne 1 que la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) a annoncée en primeur au Congrès pour améliorer les salaires et les conditions de travail dans cette branche au niveau européen.
Le syndicat européen (CES) en bref
Le syndicat européen (CES) a été fondé en 1973 et regroupe 90 confédérations syndicales nationales de 39 pays européens et 10 fédérations syndicales européennes. Son principal objectif est d’assurer la voix du monde du travail en Europe, en premier lieu auprès de l’Union européenne. La CES agit en faisant du lobbying auprès des institutions européennes, en particulier auprès de la Commission et du Parlement européen et prend position sur la plupart des lois européennes qui concernent de près ou de loin les intérêts des travailleurs et travailleuses en Europe.
La CES peut aussi mobiliser via ses confédérations syndicales nationales et organise régulièrement de grandes manifestations au niveau européen.
Enfin, la CES joue un rôle important pour la promotion du dialogue social en Europe en prenant part à la négociation d’accords avec les confédérations d’employeurs européens. Parmi les princi-paux accords existant au niveau européen, on peut citer celui sur le congé parental (révisé en 2009), le travail à temps partiel (1997) ou encore le stress lié au travail (2004).