La société et l’économie (publique) suisses bénéficient d’un système de formation différencié. Il se distingue par des voies de formation professionnelle et de formation générale fortement tracées. A la différence de beaucoup d’autres pays, la Suisse ne fait pas l’erreur de tout miser sur la formation générale. La Suisse attend aussi le succès de la formation professionnelle, qui permet d’acquérir des diplômes de fin d’études à tous les niveaux. Travail.Suisse considère comme une tâche politique fondamentale de défendre ce système de formation différencié caractéristique de la Suisse, comme l’exige l’art. 61a 3 Cst.
Le texte de la Constitution fédérale pose des exigences claires vis-à-vis de la Confédération et des cantons: « dans l’exécution de leur tâche, ils s’emploient à ce que les filières de formation générale et les voies de formation professionnelle trouvent une reconnaissance sociale équivalente. » (art. 61a 3 Cst.). Derrière cette norme constitutionnelle se cache une notion importante: une société et une économie (publique) sont bien inspirées de promouvoir un système de formation différencié, dans lequel les formations tant théoriques que pratiques sont fixées à tous les niveaux.
Les points forts d’un tel système sautent aux yeux :
• Dans un système de formation différencié, les capacités et les goûts de chaque individu peuvent être mieux utilisés. Chacun et chacune a la chance d’emprunter une voie de formation qui correspond au mieux à ses dons.
• Un système de formation différencié est plus à même de répandre à grande échelle dans une société et une économie les connaissances, les capacités et les compétences existantes. Et plus encore si la connaissance pratique est transmise dans différentes entreprises et que sa diffusion n’est pas déléguée aux seules écoles.
• Dans un système de formation nettement différencié, des personnes aux compétences différentes se retrouvent sur le marché du travail dans un combiné de compétences diverses, ce qui permet de composer des équipes mixtes. La capacité d’innovation de la Suisse doit beaucoup à ce phénomène.
Chances comparables
Que la Constitution ait posé l’exigence d’une reconnaissance sociale équivalente des voies de formation générale et des voies de formation professionnelle ne doit rien au hasard. Le danger est grand que la voie de la formation générale soit considérée comme la voie royale. On lui associe les notions de carrière, de sécurité de l’emploi, de revenu élevé, de considération sociale, de grande souplesse sur le marché du travail. Par conséquent, quiconque a la possibilité de suivre la voie de la formation générale devrait le faire sans hésiter – c’est du moins l’opinion générale. Mais on néglige ainsi à dessein le fait que cette manière de voir est dépassée. Grâce au positionnement de la formation professionnelle supérieure dans le domaine tertiaire, à la création de la maturité professionnelle et des Hautes écoles spécialisées, et à la perméabilité du système de formation, les deux voies de formation garantissent aujourd’hui, à engagement égal, des chances comparables.
Tâche de la Confédération et des cantons
La Constitution exige de la Confédération et des cantons qu’ils s’engagent pour assurer une reconnaissance sociale équivalente aux voies de formation générale et à celles de formation professionnelle. Dans la situation actuelle, cela se résume en un mot « communication »:
• Communication : La Confédération et les cantons, d’entente avec les organisations du monde du travail, doivent communiquer de manière percutante pour faire connaître le système de formation actuel et les nombreuses possibilités qu’il offre de passer d’une filière à l’autre. Il faut mettre en évidence les forces et souligner les chances qu’un système de formation différencié présente pour chaque individu, comme pour l’économie et la société dans son ensemble. On doit marteler le thème de l’équivalence lors de la phase du choix professionnel et aller à la rencontre des jeunes et de leurs parents qui, trop souvent, vivent encore avec des idées dépassées. On doit faire connaître le système de formation suisse aux entreprises internationales et persuader les politiques de l’équivalence des deux voies de formation.
• Politique des « armes égales » : La Confédération et les cantons doivent se demander s’ils tiennent compte ou pas, lorsqu’ils ont à prendre des décisions en matière de politique de la formation, de la valeur équivalente des deux voies de formation. Naturellement, cela concerne au premier chef les finances. Le besoin reconnu de réforme de la formation professionnelle, notamment de la formation professionnelle supérieure, ne doit pas être occulté pour la seule raison que l’on sait que les réformes ne pourront être mises en œuvre dans une parfaite neutralité des coûts. Il est temps de donner une nouvelle base financière à la formation professionnelle supérieure, afin que tous les étudiants de cette filière puissent profiter de soutiens publics déclarés. Des corrections linguistiques doivent aussi être prévues. Exemple : il doit dorénavant être clair pour les jeunes que la classe A, au niveau secondaire inférieur (appelée aujourd’hui classe de progymnase) ne prépare pas seulement à l’entrée au gymnase, mais aussi à la maturité professionnelle. Il serait donc judicieux de nommer à l’avenir la classe A « classe de préparation aux différents types de maturité » et de traiter, dans le cadre de la préparation au choix professionnel, la voie de la formation professionnelle au même titre que la voie de formation générale.
• Optimisation de la perméabilité : En développant le système de formation, la Confédération et les cantons doivent veiller à améliorer la perméabilité entre les deux voies de formation. Les deux voies – formation générale, formation professionnelle – bénéficient de la perméabilité des filières. Les premières décisions en matière de profession, généralement prises à 15 ans, ne conduisent plus à des impasses si les filières sont perméables. Si ces décisions ont été erronées, elles peuvent être corrigées au cours de la vie grâce à la perméabilité. Sont surtout à améliorer, dans le système de formation tertiaire, les possibilités de passer des filières professionnelles supérieures aux Hautes écoles spécialisées et aux universités.
• Positionnement international de la formation professionnelle supérieure : La formation professionnelle supérieure est peu connue en dehors de la Suisse et, en Suisse même, peu connue des entreprises internationales. Les personnes qui ont obtenu un diplôme professionnel supérieur sont donc désavantagées sur le marché du travail européen et international. La Suisse doit dès lors réussir à délivrer à ces personnes un diplôme de fin d’études professionnelles supérieures immédiatement reconnaissable comme diplôme de formation tertiaire, prouvant la haute qualité professionnelle pratique de ces personnes.