Le 3 mars est la journée européenne du dimanche férié. Un jour de repos commun est très important, non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour la vie sociale et culturelle dans son ensemble. Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs, observe avec inquiétude l’augmentation des exceptions faites à l’interdiction de travailler le dimanche. Les dérogations – notamment au niveau cantonal – vont toujours plus loin et il s’agit de freiner cette tendance.
C’est le 3 mars qu’a eu lieu la Journée européenne du dimanche férié, instaurée par la « European Sunday Alliance », un réseau d’alliances nationales en faveur du dimanche, de syndicats, et de communautés religieuses ou issues de la société civile. Elles ont pour but commun de maintenir le dimanche férié, non seulement pour le bien-être des travailleurs, mais aussi afin de promouvoir l’innovation, condition préalable à la prospérité économique, et de permettre des activités culturelles et sociales.
En Suisse, l’interdiction de travailler le dimanche est stipulée à l’article 18 de la Loi fédérale sur le travail (LTr). Sans toutefois pouvoir revendiquer une validité absolue, cette interdiction constitue l’un des piliers de la LTr. Les dérogations à l’interdiction de travailler le dimanche sont ancrées dans l’Ordonnance 2 relative à la Loi sur le travail (OLT 2), et sont en principe autorisées lorsque des raisons techniques ou économiques rendent ce travail indispensable. Il existe des dérogations sans autorisation, par exemple, pour certaines entreprises travaillant dans les domaines de la santé, de l’hôtellerie et de la restauration, des médias ou pour des services de surveillance et de sécurité. Toutefois, le principe du dimanche férié reste pour Travail.Suisse un pilier central de la Loi sur le travail et, partant, de la protection des conditions de travail des actifs. Seule l’institution consistant à accorder un jour de congé pour tous permet aux actifs de trouver détente et repos en échappant à leur quotidien professionnel et à la pression constante qui règne dans le monde du travail. Mais l’interdiction de travailler le dimanche revêt aussi une signification et une dimension socioculturelles qui vont bien au-delà de son importance pour la protection des travailleurs: pour préserver une vie de famille et une vie sociale, il est nécessaire de disposer de moments de loisirs communs. Seul un rythme hebdomadaire semblable, comportant un dimanche chômé, permet d’avoir le temps d’entretenir activement ses contacts et ses relations. De même, les manifestations culturelles et les activités des associations se concentrent souvent sur les week-ends et requièrent de tous les participants qu’ils disposent d’un temps libre commun.
Déjà un quart des travailleurs travaillent occasionnellement le dimanche
Au cours des dernières années, les dérogations à l’interdiction de travailler le dimanche ont considérablement augmenté, en particulier dans le commerce de détail. En 2005, la possibilité de faire ses achats le dimanche dans les gares et les aéroports s’est généralisée; dès 2008, il a été possible d’occuper sans autorisation du personnel de vente pendant quatre dimanches (par an) et depuis 2013, de nouvelles possibilités d’ouverture étendue des magasins de stations-service ont été introduites dans la Loi sur le travail. De ce fait, le travail dominical s’est considérablement étendu pour le personnel du commerce de détail au cours de la dernière décennie.
Et enfin, en raison de ces dérogations, une partie considérable des travailleurs sont confrontés au travail du dimanche dans leur vie professionnelle. L’Enquête suisse sur la population active indique qu’aujourd’hui déjà plus d’un million d’actifs (24.5% de toutes les personnes occupées) travaillent le dimanche, régulièrement ou du moins parfois. En comparaison européenne, le travail du dimanche en Suisse est légèrement supérieur à la moyenne; et notre pays travaille nettement plus souvent le dimanche que ses voisins directs. De plus, alors que les chiffres restent stables en Europe, le travail du dimanche a augmenté en Suisse entre 2005 et 2010 (voir graphique).
Autres attaques contre l’interdiction de travailler le dimanche
Une nouvelle dérogation au dimanche chômé a été enregistrée l’an dernier. Le 1er avril 2015, l’amendement de l’Ordonnance 2 en matière d’heures d’ouverture des magasins le dimanche pour les besoins du tourisme international est entré en vigueur. Cette adaptation devait légaliser la situation floue qui régnait au centre commercial « Fox Town » de Mendrisio. Mais parallèlement, d’autres exploitants de centres commerciaux ont eu ainsi la possibilité de renoncer au repos dominical. Preuve en est l’ouverture des magasins, depuis le 1er février, dans un second centre commercial, l’Outlet de Landquart, sur la base de cette disposition. Dans plusieurs cantons également, le dimanche férié subit des attaques de ce genre. Par exemple, aussi bien dans le canton du Valais que dans celui de Genève, des efforts sont déployés pour autoriser l’ouverture des magasins pendant quatre dimanches par an, et une initiative parlementaire a été lancée dans le canton de Berne, demandant que la Vieille Ville de Berne soit reclassée en zone touristique, ce qui permettrait l’ouverture à grande échelle des magasins le dimanche.
Travail.Suisse condamne cette tactique du salami en matière de dérogations à l’interdiction de travailler le dimanche. En invoquant le critère de la « raison économique indispensable », on permet toutes sortes de dérogations à cette interdiction. Il est clair toutefois que toute dérogation en entraîne de nouvelles et que le travail dominical continue de s’étendre à d’autres branches. Fondamentalement, le dimanche chômé revêt une grande importance pour la population. Comme le prouve notamment l’analyse de la votation – en automne 2013 – sur les magasins des stations-service. Bien que la libéralisation des heures d’ouverture de ces magasins ait été acceptée, les trois-quarts des votants s’accordent à reconnaître que le travail de nuit et du dimanche devrait ne concerner que peu de travailleurs.