Le Projet fiscal 17 (PF 17) coûtera un milliard de francs à la Confédération. La suppression de la pénalisation du mariage des couples mariés aisés entraînera une baisse des recettes de l’impôt fédéral direct (IFD) de 1,15 milliards de francs. A cela s’ajoute le fait que le chef du DFF, le Conseiller fédéral Ueli Maurer, prévoit d’autres allégements fiscaux pour l’économie et les actionnaires pouvant aller au-delà du milliard de francs. Travail.Suisse va tout mettre en œuvre pour diminuer le coût de ces réformes fiscales et veut des garanties qu’il n’y aura pas de nouveaux programmes d’économies ces prochaines années.
Les messages publiés le jeudi 22 mars par le Conseil fédéral sur le PF 17 et la modification de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct pour les couples mariés vont priver la Confédération de deux milliards de francs.. La Confédération doit pouvoir garder une marge de manœuvre importante pour investir et dépenser suffisamment ces prochaines années – en particulier dans les domaines de la formation et recherche et des infrastructures – pour garantir la prospérité en Suisse. Pour ce faire, les projets fiscaux de la Confédération doivent être mieux contre-financés afin qu’ils n’entraînent que des pertes fiscales modérées.
Projet fiscal 17 : limiter les pertes à 400 millions de francs pour la Confédération
Le message du Conseil fédéral sur le PF 17 ne présente pas une réforme de la fiscalité encore assez équilibrée. Le PF 17 doit mieux tenir compte du fort rejet de la RIE III en février 2017, en limitant davantage les pertes fiscales et en faisant plus contribuer l’économie. Le Parlement et les milieux économiques doivent améliorer le projet du Conseil fédéral pour ne pas prendre le risque d’un nouveau référendum et d’un échec du PF 17.
Le contre-financement de l’économie se limite, avec l’imposition accrue des dividendes et l’augmentation des allocations familiales, à 700 millions de francs alors que le PF 17 provoque des pertes fiscales de près d’un milliard de francs pour la Confédération et de un à deux milliards de francs pour les cantons et les communes avec les baisses des taux d’imposition des bénéfices.
Un PF 17 équilibré, limitant les pertes fiscales à un niveau acceptable pour la population, devrait :
• Limiter les pertes fiscales pour la Confédération à 400 millions de francs en utilisant une partie des excédents structurels du compte de compensation du frein à l’endettement. Année après année, les comptes de la Confédération bouclent bien mieux que ce que prévoyait le budget. Il faut donc cesser d’affecter totalement ces excédents à la diminution de la dette qui a été déjà fortement réduite. Pour ce faire, il faut réviser la loi sur le frein à l’endettement.
• Imposer les dividendes à 80-100 pourcent dans les cantons et non pas à 70 pourcent. Cela compensera davantage la forte baisse des taux d’imposition des bénéfices des entreprises déjà mise en œuvre ou prévue dans plusieurs cantons.
• Augmenter les allocations familiales de 60 francs (et pas seulement de 30 francs). Avec 30 francs, il n’y aura aucune différence par rapport à la situation actuelle dans au moins sept cantons. Cela compromet la réussite du PF 17, en cas de référendum.
• Financer par les employeurs pour 200 millions de francs un congé-paternité de 20 jours selon le modèle de l’initiative populaire de Travail.Suisse. En raison de la grande sympathie que la population éprouve pour la requête du congé paternité, cette mesure de compensation, à un coût relativement modeste, renforce fortement les chances de réussite du PF 17.
• Prévoir des mesures de compensation sociale dans les cantons qui baissent leurs taux d’imposition des bénéfices selon le modèle du canton de Vaud avec, par exemple, des augmentations supplémentaires des allocations familiales, des réductions de prime-maladie plus importantes et des moyens supplémentaires pour la formation et la formation continue.
Dépénalisation fiscale du mariage dans l’impôt fédéral direct (IFD) : oui conditionnel
Selon le Tribunal fédéral, il y a pénalisation fiscale des couples mariés lorsqu’ils paient 10% de plus d’IFD que s’ils vivaient en concubinage. 80’000 couples mariés environ sont concernés. Cette réforme prive les caisses de la Confédération de près d’un milliard de francs. Pour les cantons, le coût sera d’environ 150 millions de francs. C’est pourquoi, nous proposons de revoir les barèmes de l’IFD afin de limiter les pertes à environ 500 millions de francs au maximum. On peut rappeler que l’élimination de cette pénalisation du mariage concerne avant tout des personnes aisées : le message du Conseil fédéral montre en effet que 940 millions de francs de baisses d’impôt reviendront à 11.5% des personnes assujetties à l’impôt, dont le revenu imposable se situe entre 100’000 et 500’000 francs, et seulement 137 millions reviendront à 43% des personnes assujetties à l’impôt, dont le revenu imposable se situe entre 50’000 et 100’000 francs.1 Le projet présente aussi le défaut de créer de nouvelles inégalités entre couples mariés à deux revenus et à un revenu malgré l’introduction d’une déduction pour ces derniers. Le projet désavantage aussi les concubins à un revenu avec enfants.
La méthode choisie pour supprimer la pénalisation du mariage pour les couples aisés à deux revenus repose sur le calcul alternatif de l’impôt (d’abord calcul de l’impôt du couple selon les règles de la taxation commune, comparaison avec la facture selon l’imposition individuelle appliquée aux concubins et le couple acquitte le moins élevé des deux montants calculés). Ce modèle est positif car il intègre des éléments de l’imposition individuelle dont le principe a été soutenu par le Comité de Travail.Suisse. En effet, indépendante de l’état civil, elle correspond à une société moderne et au principe de l’égalité tout en ayant un effet favorable pour le taux d’activité des femmes. Cela est positif à une époque où on connaît une pénurie de personnel. Toutefois, Travail.Suisse ne pourra soutenir un éventuel passage à l’imposition individuelle au niveau des cantons que si les pertes fiscales demeurent raisonnables.
Possible abolition du droit de timbre d’émission à relativement brève échéance
Les pertes de ces deux projets fiscaux pourraient nettement s’alourdir si le Conseiller fédéral Ueli Maurer, dans le but de renforcer la place financière suisse, propose la suppression de certains droits droits de timbre d’émission. Son département a livré des propositions particulièrement offensives à ce sujet. En supprimant tous les droits de timbre (sur le capital propre, le droit de négociation des obligations, les titres et les primes d’assurance), il en résulterait plus de deux milliards de francs de pertes pour la Confédération. A court terme, il paraît peu vraisemblable que l’on trouve une majorité politique pour la suppression de tous les droits de timbre. Mais une majorité pourrait se former au Parlement pour la suppression du droit de timbre sur le capital propre et le droit de négociation sur les obligations suisses, ce qui ferait perdre à la Confédération près de 400 millions de francs.
Enfin, rappelons que le Conseil fédéral a décidé la suppression de droits de douane sur de nombreux bien importés pour 500 millions de francs par an même si on attend en retour une baisse des prix profitable pour les consommateurs et consommatrices.
Le cumul de ces différents projets fiscaux fera perdre à la Confédération plusieurs milliards de francs par an. Travail.Suisse exercera son influence par un travail de lobbying pour limiter ces pertes fiscales à un niveau plus faible et, partant, pour empêcher de possibles nouveaux programmes d’économies qui toucheraient en particulier les revenus inférieurs et moyens.
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fn. 1 Message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (imposition équilibrée des couples et de la famille). Voir à la page 61 le tableau sur la répartition de la diminution du produit de l’impôt par classes de revenus.