Malgré une campagne visant à faire peur en faisant croire qu’un non à la RIEIII provoquerait l’exode des sociétés multinationales à l’étranger et des pertes d’emplois considérables, le peuple a courageusement renvoyé ce paquet d’allégements fiscaux démesurés à l’expéditeur. Il faut maintenant que le Parlement entende clairement le message du souverain et adopte rapidement une nouvelle réforme qui soit totalement contre-financée par l’économie.
En disant non à la RIE III, les citoyens et citoyennes n’ont pas refusé le but initial de la réforme, qui était, à juste titre, d’abolir les statuts fiscaux cantonaux privilégiés pour les holdings et les sociétés d’administration, mais bien un projet d’allégements fiscaux outranciers pour les grandes entreprises devant être payé par la population. Il est heureux de constater que le citoyen et la citoyenne ne se sont pas laissés trop ébranler par les craintes pour l’emploi brandies par les partisans de la réforme, étant davantage soucieux des pertes fiscales considérables que le projet entraînait pour les collectivités publiques. Trop c’est trop et la population a clairement indiqué à la majorité bourgeoise qu’elle refuse de payer par des baisses de prestations ou des hausses d’impôts les pertes fiscales d’une réforme qui n’est pas contre-financée comme cela aurait dû être le cas par l’économie.
Travail.Suisse appelle donc le Parlement à recevoir cinq sur cinq le message du peuple et à élaborer sans délais une réforme correctement contre-financée par l’économie et sans pertes fiscales pour la population. Travail.Suisse avait dès le départ critiqué la manière dont la RIE III avait été engagée en estimant qu’elle provoquerait une recrudescence ruineuse de la concurrence fiscale entre les cantons. Cela s’est rapidement confirmé puisqu’on s’approche davantage d’un taux moyen de 14% (part fédérale de 7,9% comprise) que de 16% tel que pronostiqué par le Conseil fédéral dans son rapport de consultation. L’idéal aurait donc été d’engager la réforme en prévoyant un taux d’imposition minimum des bénéfices autour de 16%. Malheureusement, personne n’a voulu en discuter. Et la réforme provoque une forte baisse des taux d’imposition dans tous les cantons. Pourtant, au départ, le problème ne touchait en réalité qu’une minorité de cantons (VD, GE, BS principalement).
Une réforme devant être contre-financée entièrement par l’économie
Comme il est difficile de faire volte-face, il faut prendre maintenant en considération la réalité à venir de taux d’impositions cantonaux très bas – et encore plus que prévu – pour les entreprises et des pertes fiscales considérables. Il existe donc désormais une marge de manœuvre relative à la part fédérale de l’imposition des entreprises, sans pour autant risquer le départ de sociétés étrangères.
1. Relever légèrement la part fédérale du taux d’imposition des entreprises
C’est la raison pour laquelle Travail.Suisse propose, comme première mesure pour contre-financer correctement par l’économie la RIE III, un léger relèvement de la part fédérale du taux d’imposition des bénéfices des entreprises. En faisant passer le taux actuel de 7,9% à 9%, cela rapporterait environ 400 millions de francs de plus à la Confédération. Et au cas où le Parlement rechignerait devant cette mesure peu douloureuse (la carotte), il faudra alors brandir la menace d’une imposition des gains en capitaux (le bâton). On rappellera que cette proposition figurait dans le projet de consultation du Conseil fédéral et qu’elle aurait permis d’apporter aux cantons des recettes de près d’un milliard de francs et à la Confédération 300 millions de francs.
2. Supprimer l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts
Certains allégements fiscaux exorbitants faits aux entreprises dans le cadre de la RIE III devront tout simplement être biffés. Ainsi, l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts doit être supprimé au niveau fédéral. Car il s’agit d’une mesure non seulement injustifiée – jamais le contribuable ne pourrait bénéficier de baisses d’impôts de cette manière – mais aussi aux conséquences financières imprévisibles, au vu des expériences faites dans des pays qui ont introduit une imposition de ce type.
3. Limiter les possibilités facultatives pour les cantons
Comme les pertes les plus importantes liées à la RIE III auront lieu au niveau des cantons et des communes – avec la forte baisse des taux d’imposition – on peut atténuer ces pertes en limitant la portée des instruments facultatifs pour les cantons, Ces instruments offrent aux entreprises de tels allégements fiscaux qu’elles pourraient pratiquement ne plus payer d’impôt cantonal et communal sur le bénéfice ! Il faut en premier lieu revoir à la baisse les déductions fiscales pour les revenus issus de biens immatériels comme les redevances de licence tirées d’un brevet (patent box). On devrait pouvoir déduire au maximum 50% du bénéfice et non pas 90% ! Par ailleurs, il est inadmissible que les entreprises puissent déduire à 150% les frais de recherche et de développement, donc bien plus que les dépenses réelles ! Une forte correction à la basse s’impose. Enfin, l’impôt sur le bénéfice corrigé des intérêts, s’il est supprimé au niveau fédéral, devrait aussi l’être au niveau cantonal.
4. Enterrer le projet d’abolition du droit de timbre d’émission
Le non du peuple suisse à la RIE III doit aussi avoir comme conséquence l’abandon immédiat du projet séparé d’abolition du droit de timbre d’émission sur le capital propre. Car il occasionne des pertes fiscales supplémentaires en centaines de millions de francs. Ce projet n’avait été extirpé de la RIE III que pour mieux faire passer la pilule des pertes fiscales. Cette pilule ayant déjà été bien trop dosée au vu du refus du peuple de la RIE III, on peut définitivement enterrer ce projet d’abolition du droit de timbre d’émission sur le capital propre.