L’initiative « no Billag » est particulièrement radicale. Son acceptation signifierait rien de moins que la fin du service public audiovisuel, la SSR et d’autres chaînes locales et régionales subventionnées n’ayant alors plus que la publicité pour exister. A cela s’ajoute une hécatombe pour l’emploi dans les médias audiovisuels de service public avec la suppression abrupte de milliers de places de travail.
Parce que notre pays est plurilingue et divers sur le plan culturel, il a besoin d’offres de qualité dans les domaines de l’information, de la culture et du divertissement destinées à tous les groupes de la population. Ces facteurs sont primordiaux pour le fonctionnement de la démocratie directe et favorisent fortement l’intégration de tous les groupes sociaux. La SSR et ses programmes d’information et culturels de qualité, financés essentiellement par la redevance, contribuent aussi fortement au respect et à la connaissance des identités linguistiques et régionales.
Ce mandat de service public dans le domaine de l’audiovisuel est effectué par la SSR mais aussi par plus d’une vingtaine de chaînes de télévisions et de radios régionales et locales. Pour le maintien de cette offre, les redevances radio et télévision sont indispensables car elles assurent les trois quarts du financement de la SSR et jusqu’aux deux tiers de celui des radios locales et télévisions régionales. Une suppression des redevances ne pourrait guère être compensée par la publicité en raison d’une saturation du marché publicitaire et du développement d’une offre de plus en plus commerciale, délaissant l’actualité des régions périphériques. En raison d’une péréquation financière interne à la SSR, les régions minoritaires sont aussi bien soutenues.
Désastre à très court terme pour l’emploi
Un oui à l’initiative « no Billag » provoquerait non seulement la fin du mandat de service public avec des conséquences néfastes pour la démocratie et la cohésion nationale mais aussi pour les postes de travail. On estime que plusieurs milliers d’emplois seraient supprimés, principalement à la SSR mais aussi parmi différents diffuseurs régionaux dont l’équilibre financier dépend d’une partie des recettes de la redevance. Les emplois seraient en outre supprimés à très brève échéance car l’initiative prévoit une mise en œuvre excessivement rapide (elle entrerait en vigueur déjà en 2019 en cas d’acceptation). Et l’initiative ne prévoit rien du tout pour le personnel qui sera touché.
Raisons masquées
Certains adversaires de la SSR lui reprochent d’aller au-delà de son mandat de service public et aimeraient réduire son rôle à l’information et à la culture. Une bonne partie des divertissements devrait passer à la trappe. Ces arguments cachent plutôt l’envie et la volonté d’offrir aux diffuseurs privés commerciaux une plus large part du « gâteau ». En effet, on sait pertinemment que même une chaîne de télévision et radio publique ne pourrait pas survivre avec essentiellement de l’information et des débats et très peu de divertissements. Seule une offre de programme complète garantit l’avenir de la SSR. Il n’est pas crédible de faire croire que la SSR pourrait subsister avec une offre minimale en divertissements.
Mauvais calcul
A ceux qui trouvent la redevance trop chère, il faut rappeler deux choses : primo, la Confédération a prévu de la baisser nettement en-dessous de 400 francs suisses en 2019. Secundo, avec la suppression des redevances radio et TV, le visionnement de certains événements sportifs et culturels ne sera plus possible, car trop cher. Il en résultera le développement d’offres payantes pour les voir.
Il se pourrait en fin de compte que les utilisateurs payent presque autant pour une offre peut-être plus ciblée mais aussi plus restreinte.
Vaut-t-il vraiment la peine d’économiser environ 100 à 200 francs par an si la conséquence en est un affaiblissement mortel du service public audiovisuel de qualité qui joue un rôle clé pour la démocratie et le vivre ensemble helvétique ? Souhaite-t-on qu’à l’avenir les débats démocratiques soient orientés selon l’opinion de grands groupes de presse privés plutôt que par le biais d’un service public audiovisuel (même si la SSR n’est pas parfaite mais quelle organisation ou institution l’est-elle vraiment ?). Ces questions, les citoyens et citoyennes feraient bien d’y réfléchir de manière approfondie lorsqu’ils glisseront leur bulletin dans l’urne au début mars 2018.
Mieux faire comprendre le rôle du service public dans l’audiovisuel
Avec les bouleversements rapides du paysage audiovisuel et les nouvelles manières de consommer les médias, en particulier par les jeunes, la compréhension et l’importance du « service public audiovisuel » ont diminué. Une tendance à consommer sur mesure certains programmes est bien là. Un certain nombre de personnes se détournent des programmes de la SSR avec la multiplication d’offres payantes ou non diffusées sur un éventail plus large de canaux. C’est pourquoi le succès de la campagne de votation contre l’initiative « no Billag » ne dépendra pas seulement des moyens engagés mais de la capacité à convaincre, au-delà des choix personnels de consommation audiovisuelle, que l’initiative « no Billag » est un réel danger pour la démocratie et le vivre ensemble et que, sans redevance, c’est la fin du service public audiovisuel.