La mise en œuvre des objectifs définis dans le cadre de la formation post-obligatoire des jeunes migrants et de leur intégration sur le marché du travail nécessite une augmentation des ressources financières. Actuellement, une motion au Parlement veut inciter les jeunes migrants à achever une formation du degré secondaire II. Sachant que l’intégration dépend aussi du contexte familial et social, Travail.Suisse, l’organisation faitière indépendante des travailleurs et travailleuses, propose une grille de lecture des défis actuels incluant l’évolution du marché du travail numérique et les répercussions des changements législatifs actuels sur l’intégration.
La mise en œuvre et le financement des mesures de formation pour les adolescents et les jeunes adultes arrivés tardivement en Suisse répondent à un besoin actuel. La proportion du nombre de jeunes migrants sur l’ensemble de la population migrante tend vers une augmentation. Par ailleurs, un investissement dans la formation des jeunes migrants arrivés en Suisse par le biais du regroupement familial ou par celui de l’asile devrait aussi faciliter leur intégration sur le marché du travail. Dans ce contexte, une motion a été déposée en novembre 2016 auprès du Parlement fédéral pour inciter les jeunes migrants arrivés tardivement en Suisse à achever une formation du degré secondaire II. Cette motion déposée par la Commission de la science, de l’éducation et de la culture a été débattue pour la première fois au sein du Conseil national le 7 mars 2017 pour être approuvée par 108 voix contre 70. Elle propose principalement d’augmenter les prestations en matière d’intégration et de financer des prestations d’intégration supplémentaires au moyen du budget du Secrétariat d’Etat aux migrations. Travail.Suisse soutient cette motion qui devrait assurer un apport financier mieux adapté à la situation des jeunes et jeunes adultes dont la situation légale et personnelle offre des perspectives de rester à long terme en Suisse. Plus tôt la prise en charge sera effectuée dans le parcours éducatif et professionnel d’une personne, meilleures en seront les perspectives sur le marché du travail.
L’atteinte des objectifs dépend du financement, mais aussi d’autres mesures
En 2016, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) a fait une déclaration en accord avec le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) et le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) sur les principes d’une intégration durable dans le marché du travail et dans la société des adolescents et jeunes adultes arrivés tardivement en Suisse. L’objectif stratégique étant celui de permettre que 95% de tous les jeunes de 25 ans en Suisse possèdent un diplôme du secondaire II, la CDIP, le SEFRI et le SEM ont considéré important d’inclure aussi les jeunes migrants. Ces jeunes sont pris en compte, pour autant qu’ils aient légalement et personnellement la perspective de résider à long terme en Suisse et qu’ils possèdent le potentiel et la motivation pour obtenir un diplôme. À ce titre, deux règles font office de référence : « une formation avant un travail » et « un travail avant l’aide sociale ». Or, selon Travail.Suisse, une question primordiale se pose en amont : Comment favoriser au mieux la motivation et mettre en valeur les capacités de chacun ? Car s’il est aisé d’admettre que la qualité de la formation en Suisse est un atout majeur, il convient aussi de prendre en considération le contexte social et familial des jeunes et jeunes adultes migrants. Dans ce contexte, la situation légale et sociale des parents joue un rôle important. La précarité et l’instabilité des parents peuvent avoir une influence négative sur le processus scolaire et les capacités de l’enfant. Les notions de « vouloir » et « pouvoir » sont donc des éléments à relativiser et à distancer de l’unique responsabilité des jeunes en formation.
Pour renforcer la volonté et la capacité des jeunes migrants dans leur parcours de formation, il est indispensable d’envisager également de l’aide et de l’accompagnement dirigés à l’attention des parents. Ces mesures constituent certes un coût pour leur mise en œuvre, mais répondent également à un besoin actuel. Parmi la population des jeunes migrants certains sont issus du regroupement familial et d’autres du domaine de l’asile. Certains jeunes sont également des mineurs non-accompagnés. Dans le domaine de l’asile, la situation des permis F et des réfugiés reconnus est souvent précaire, notamment à cause de leur statut légal. Il est donc urgent de prendre des mesures politiques pour améliorer les conditions de ces statuts. Avec l’adoption de la nouvelle loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI), des améliorations ont été apportées pour faciliter l’accès au marché du travail des personnes avec un permis F et des personnes réfugiées. Or, ces améliorations occultent les durcissements pris à l’encontre des personnes au bénéfice d’une autorisation de séjour (permis B) et de celles au bénéfice d’une autorisation d’établissement (permis C). La pratique des autorités dans l’examen des cas concrets devrait donc prendre en considération les efforts déployés dans le cadre de la formation des jeunes migrants pour ne pas prétériter, dans les sanctions prises à l’égard des parents, leur processus scolaire. L’insécurité légale et les pressions administratives infligées aux parents auront aussi des répercussions négatives sur l’ensemble de la famille et influenceront la volonté et les capacités des jeunes dans leur processus scolaire. Des mesures sont donc nécessaires pour aider et accompagner les parents dans leur apprentissage d’une langue nationale, leur compréhension du système scolaire suisse et pour également les inciter à soutenir leurs enfants dans la réussite de leur formation.
Une concurrence plus accrue sur le marché du travail
Après la formation, vient logiquement l’accès au marché du travail. Dans les perspectives à venir, la numérisation du marché du travail est une réalité qui se profile à grande vitesse et qui touche toute la population indépendamment de son origine. Il n’en demeure pas moins que la situation particulière des migrants peut renforcer ou diminuer certains effets que la numérisation est amenée à produire sur la concurrence existante dans le monde du travail. Des études prédisent la suppression de plusieurs emplois – il est essentiellement question des emplois dont les tâches sont répétitives – qui seront en partie substitués par les outils des nouvelles technologies. La disparition de certains métiers en créera de nouveaux, mais avec une tendance vers davantage de pertes d’emplois. Dans cette perspective, Travail.Suisse souligne l’importance de garantir et de maintenir des conditions de vie respectable pour tous. Pour reprendre les deux principes déjà énoncés que sont « une formation avant un travail » et « un travail avant l’aide sociale », un troisième principe énoncé sous forme de question devrait aussi avoir son importance : « quelle formation pour quel travail et à quelles conditions ?».
Travail.Suisse préconise à cet effet de diminuer la concurrence qui existe entre les différents statuts de migrants pour éviter davantage de dumping salarial et garantir des salaires décents. À cet égard, il est nécessaire au niveau politique de combattre les durcissements légaux qui ont un impact sur la stabilité du séjour des personnes migrantes et de prendre en considération la situation de l’ensemble de la famille dans les prises de décisions des autorités qui appliquent les lois en vigueur. Par ailleurs, la formation des jeunes doit aussi prendre en compte les nouveaux défis qui s’imposent sur le marché du travail. Permettre aux jeunes migrants d’exercer un travail conforme à leurs qualifications impliquera également une collaboration des employeurs et leur implication dans l’encouragement à l’intégration. Pour terminer, la valorisation des atouts de la migration dans le cursus scolaire et sur le marché du travail profitera à tous et apportera la stimulation nécessaire pour renforcer davantage le système de formation pour les jeunes migrants et suisses.