À l’heure des slogans et des affiches, une image polémique a réussi à s’infiltrer au cœur de la campagne sur la naturalisation facilitée de la 3ème génération pour égratigner le bon sens commun des électeurs et électrices. L’urgence de reposer une question essentielle est devenue évidente : mais quel visage ont véritablement les jeunes de la 3ème génération ? C’est pour tenter d’y répondre que Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs et travailleuses, a réalisé en collaboration avec d’autres organisations une vidéo regroupant deux témoignages de personnes concernées par la votation du 12 février prochain. On y découvre aussi des destins de vie qui composent l’identité de la Suisse actuelle et de celle de demain.
Le 12 février prochain, nous voterons sur la possibilité donnée aux jeunes étrangers et étrangères de la 3ème génération de suivre une procédure de naturalisation plus simple que celle prévue pour la génération des parents et grands-parents. Pour saisir le véritable enjeu de cette votation, il est donc primordial de comprendre quelles sont les personnes concernées, leurs liens avec la Suisse et les avantages qui profiteraient à l’ensemble de la société si le « OUI » sortait des urnes. Pour rappel, la naturalisation facilitée concerne des jeunes nés en Suisse, dont les parents et grands-parents ont aussi vécu en Suisse. La naturalisation ne sera pas automatique et ne pourra être demandée que jusqu’à l’âge de 25 ans. Ces jeunes devront, ainsi qu’un de leurs parents, posséder un permis C et avoir suivi 5 ans de scolarité obligatoire en Suisse. Les conditions sont strictes et limitent par conséquent le nombre de personnes concernées. Tout le monde ne pourra pas accéder à une telle demande et les critères imposés auront pour conséquence de ne viser que des personnes déjà intégrées. D’après une récente étude réalisée par l’Université de Genève, les principaux groupes de nationalités concernées touchent d’abord les jeunes Italiens, les personnes originaires des Balkans, les Turcs, les Espagnols et les Portugais. Pour donner une image et des exemples de jeunes remplissant les critères de la naturalisation facilitée, Travail.Suisse a produit une vidéo (uniquement disponible en version allemande) en collaboration avec le syndicat Syna, Jeunesse.Suisse, le Conseil Suisse des Activités de Jeunesse (CSAJ) et Albinfo.ch :https://youtu.be/SJ5IvjyX9sI. Deux jeunes de la 3ème génération y racontent leur lien avec la Suisse et leur motivation à demander la naturalisation. D’autres interventions expliquent également les raisons qui justifient de voter « OUI » le 12 février prochain.
« En Italie, je suis une étrangère […] Mais je me sens Suissesse »
Les jeunes de la 3ème génération viennent de Suisse et n’ont pas migré. Leur histoire et leur destin ne sont pas identiques à ceux des générations précédentes qui, en tant que parents et/ou grands-parents, ont quitté leur pays pour en rejoindre un autre. Ces jeunes partagent le même destin que des jeunes Suisses ou des Suissesses né-e-s en Suisse. Comme l’explique Vanessa dans la vidéo, elle se sent Suissesse même si sa nationalité est italienne : « quand je vais voir ma famille en Italie, je suis une étrangère et quand je suis en Suisse, je suis automatiquement considérée comme une étrangère par mes ami-e-s. Mais je me sens Suissesse ». Denise renchérit en déclarant : « malgré mes origines italiennes et espagnoles, je me sens en Suisse comme chez moi ». À l’image de ces témoignages, les enfants et petits-enfants d’immigrés qui s’expriment parfaitement dans une langue nationale, sont nés en Suisse et viennent de Suisse. Ce sont leurs parents ou grands-parents qui ont migré et viennent d’ailleurs. Eux, ils sont bel et bien Suisse-sse-s. Dans ce contexte, l’intégration de la 3ème génération n’est plus à prouver : il faut la reconnaître ! Il est donc justifié que les jeunes n’aient plus à prouver leur intégration dans le cadre de la procédure de naturalisation et que cette procédure soit allégée par rapport à celle prévue pour leurs parents et grands-parents. Une réflexion d’un citoyen Suisse qui apparaît aussi dans la vidéo corrobore cette idée : « je pense que si l’on est issu de trois générations installées en Suisse, on est bien intégré. C’est pour ça qu’on devrait pouvoir se naturaliser plus facilement ». Il mentionne également les appréhensions que pourrait provoquer de façon injustifiée l’épreuve d’un test d’intégration chez une personne déjà intégrée : « ça peut être un obstacle si on est bien intégré et que l’on doit passer un test. On peut avoir la pression de réussir et la peur d’échouer ». Dès lors, la facilitation de la procédure pour les jeunes de la 3ème génération permet aussi de faciliter l’accès à une demande de naturalisation par la suppression d’éventuels obstacles émotionnels.
Comment imaginer l’avenir sans reconnaissance ?
Si le nombre de jeunes de la 3ème génération remplissant les critères pour une naturalisation facilitée s’estime actuellement à 25 000 personnes âgées entre 9 et 25 ans, alors il représente véritablement un potentiel pour la société suisse. Ces personnes ne sont pas destinées à quitter la Suisse et y resteront. Comme l’évoque Denise : « Je suis née ici, je suis allée à l’école ici et j’y ai suivi ma formation. Je travaille ici. Je veux vieillir en Suisse et ne veut pas partir ». Faciliter l’accès à la naturalisation de personnes intégrées renforcera, par la même occasion, le tissu social et professionnel qui contribue à l’essor économique de la Suisse. L’analyse de l’histoire nous présente toujours une piqûre de rappel avec l’existence des travailleurs saisonniers et des autres migrants qui ont participé à la construction de la Suisse actuelle. Par ailleurs, la reconnaissance des jeunes de 3ème génération qui passe aussi par l’octroi de droits civiques permettra d’élargir la participation politique de la population et de renforcer le système démocratique. Vanessa témoigne de cette volonté de participer politiquement : « je me sens Suissesse […] et j’aimerais participer aux votations politiques qui concernent le pays auquel j’appartiens ». De l’avis d’une citoyenne helvétique qui s’exprime à la fin de la vidéo : « il est absolument nécessaire de faire partie de la société en n’ayant pas seulement des devoirs mais aussi des droits ».
Alors si le véritable visage des jeunes de la 3ème génération est maintenant dévoilé, une autre question fondamentale s’impose. Si les jeunes de la 3ème génération et les jeunes Suisses et Suissesses partagent un destin commun qui est celui de rester en Suisse et d’en faire partie, pourquoi ne pas réunir ces forces pour construire la Suisse de demain ?