Le résultat des votations du 9 février visant à limiter « l’immigration de masse » a certes bouleversé la politique. Mais, aujourd’hui il continue encore à semer le trouble, même lorsqu’il s’agit d’« intégration » et non pas de « limitation » du nombre de personnes étrangères sur sol helvétique. Les stratégies politiques se multiplient et sont dangereuses. Non seulement elles nuisent à la démocratie, mais elles brassent aussi beaucoup d’énergie qui pourrait être investie ailleurs…dans l’intégration et la cohésion sociale, par exemple !
Lors de la session parlementaire du mois de septembre, le thème de l’intégration des personnes étrangères a pris de l’ampleur et a principalement été traité au Conseil national à travers deux objets : l’initiative parlementaire visant à faciliter la naturalisation des personnes étrangères de la troisième génération et la nouvelle loi sur l’intégration. Concernant le premier objet en rapport avec l’initiative d’Ada Marra, le but a été de faciliter l’obtention de la nationalité suisse pour les personnes étrangères dont les parents et les grands-parents ont vécus en Suisse. Il s’agit là de personnes déjà intégrées et qui fournissent un potentiel d’engagement citoyen plus élevé. Quant au deuxième objet, à savoir la nouvelle loi sur l’intégration, elle a concerné également des personnes étrangères résidant déjà en Suisse. Sur ces deux objets, Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleuses et travailleurs, est de l’avis que l’intégration des personnes établies en Suisse doit être facilitée. Cette intégration ne peut qu’apporter une plus-value à la société, tant sur le plan social et politique que sur le plan professionnel.
Par conséquent, il apparaît difficile de croire qu’un durcissement des conditions, à la fois pour l’obtention de la nationalité lorsqu’on est bien intégré et pour la fixation des exigences en matière d’intégration dans la loi, soit bénéfique pour l’ensemble de la population en Suisse. Or, lors des débats au sein du Conseil national sur la nouvelle loi sur l’intégration, l’idée d’ « empêcher » et de « limiter » l’immigration en Suisse contredisait la volonté d’intégrer. Certains politiciens ont, à juste titre, rappelé que la limitation de la population étrangère et des contingents sur l’immigration devait faire l’objet d’autres débats portant sur d’autres questions législatives. Travail.Suisse a constaté également que certaines contradictions relevaient davantage de stratégies politiques que de cohérence avec la volonté d’intégrer. Ces jeux ont porté préjudice à la logique générale de la loi sur l’intégration, mais auraient pu aussi faire échouer son adoption qui s’avérait nécessaire. Car malgré les durcissements, il était important d’accepter aussi certaines avancées proposées par la loi.
Des portes restent bloquées, mais d’autres s’ouvrent pour l’intégration
Dans le cadre de la loi sur l’intégration (la dénomination précise est : loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI)), Travail.Suisse regrette que la proposition de demander aux employeurs d’encourager l’intégration de leurs employé-e-s ait été rejetée. La décision de rendre possible la révocation de l’autorisation d’établissement, même après quinze ans a également été un choix inutile qui fait peser une épée de Damoclès sur les personnes étrangères les mieux intégrées. Concernant le regroupement familial, les conditions ont aussi été durcies pour les détenteurs d’une autorisation d’établissement. Or, l’intégration sur le marché du travail dépend également du contexte familial. Il s’agit là aussi d’une contradiction. Travail.Suisse félicite toutefois les mesures prises pour supprimer la taxe spéciale de 10% prélevée sur le salaire des personnes admises à titre provisoire. La suppression de l’obligation de demander une autorisation de travail pour les personnes admises à titre provisoire et les réfugiés est également une avancée en termes d’intégration. Grâce à ces mesures, l’insertion sur le marché du travail sera facilitée, malgré d’autres obstacles qui persistent encore.
Au final, il est clair que le concept d’intégration qui se veut être un processus jusqu’à la naturalisation a été abandonné avec cette nouvelle loi sur l’intégration. L’équilibre entre « encourager et exiger » a certes été difficile à trouver, notamment à cause des tensions politiques qui obligent certains compromis. Il reste cependant à espérer que la pratique des autorités sur le terrain qui laisse une marge de manœuvre se fera en faveur des personnes intégrées, des travailleuses et des travailleurs.
Une campagne reste à mener !
L’initiative d’Ada Marra visant à faciliter la naturalisation des étrangers de la troisième génération a elle aussi subit des durcissements, mais son avancée au Conseil national reste une nouvelle positive. Pour que l’initiative soit soumise devant le peuple suisse, il reste encore des détails à définir. Mais ce qui est sûr, c’est que la personne étrangère de troisième génération devra être née en Suisse. L’un de ses parents et l’un de ses grands-parents devra démontrer avoir vécu en Suisse. Si la proposition de la majorité au Conseil des Etats est suivie, la procédure de naturalisation ne pourra se faire que jusqu’à 25 ans.
L’initiative doit maintenant encore être approuvée par votation populaire. Dans le cadre de cette votation, la campagne qui sera menée devra réussir à convaincre l’opinion publique de la nécessité de faire changer la Constitution. Car ce changement permettra notamment une meilleure intégration favorable à une plus grande participation citoyenne. Il reste donc encore une carte à jouer qui mobilisera les forces de chacun et chacune pour une avancée nécessaire. Depuis le dépôt de l’initiative en 2008, le contexte politique a changé et évolué. Travail.Suisse espère que le résultat des votations qui suivront offrira une chance à la société de favoriser davantage sa participation et son intégration sociale, politique et économique.