Le traitement de la loi sur le CO2 par le Conseil national n’a pas été à la hauteur des enjeux du réchauffement climatique. S’il est bon qu’une mauvaise loi ait été finalement rejetée, il sera difficile de parvenir à une meilleure avec la majorité politique actuelle. Plus on retardera la réduction des émissions de gaz à effet de serre en Suisse, plus cela coûtera cher. Il en résultera aussi moins d’innovation en Suisse et ainsi moins de création d’emplois dans notre pays, ce qui est regrettable pour les travailleurs et les travailleuses.
L’Accord de Paris sur le climat ne déploie pas encore ses effets malgré les engagements pris. En effet, alors qu’on pouvait espérer un début d’inversion de tendance dans l’évolution des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, on doit déchanter : les émissions ont encore progressé pour ces deux dernières années. Dans ce contexte, il faut espérer que la Conférence de l’ONU sur le climat qui se tient en Pologne parvienne à des résultats probants pour mesurer les réductions d’émissions par pays. Et dans notre pays, justement, cette évolution inquiétante aurait dû conduire les parlementaires du Conseil national à ce que l’on « fasse le job » chez nous plutôt que d’acheter des certificats d’émission à l’étranger. Or, c’est le contraire qui se passe : alors que le projet du Conseil fédéral était, selon Travail.Suisse, déjà trop permissif – sur la réduction de 50% d’ici 2030 par rapport à 1990, 40% des réductions pouvaient être faites à l’étranger – le Conseil national biffamême toute répartition dans la loi, laissant le champ libre à encore plus d’achat de certificats à l’étranger. Il n’est pas certain que le rejet par le Conseil national du projet améliore ce point.
C’est une attitude peu responsable et négative pour l’innovation et les emplois. En effet, en agissant de cette manière, on développera moins les technologies propres suisses et on sera davantage tributaire de celles de l’étranger. Par ailleurs, comme le but à atteindre est de parvenir au milieu du siècle à pratiquement plus d’émissions de gaz carbonique si l’on veut éviter un réchauffement de plus de 2°C, l’achat de certificats à l’étranger ne fait que repousser l’échéance de la nécessité de réduire complètement les émissions de gaz à effet de serre en Suisse même. Un autre point négatif de l’achat de certificats d’émissions à l’étranger réside dans le fait que les différents projets à l’étranger ne sont pas toujours conformes au respect des droits des travailleurs et travailleuses. Même si la loi pose des garde-fous à ce sujet, il est douteux que les moyens de contrôle suffisent pour faire respecter les droits du travail dans ces projets.
L’UDC, fer de lance de l’indépendance, fait dépendre la Suisse des énergies fossiles de l’étranger
On restera ainsi plus longtemps dépendants du pétrole et du gaz et on continuera à importer ces énergies fossiles en milliards de francs. Ne serait-il pas plus avisé d’investir plus vite et plus massivement ces milliards de francs dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ? Pour Travail.Suisse, la réponse ne fait pas de doute. On aura un environnement plus sain plus rapidement tout en favorisant davantage la compétitivité de l’économie et la création d’emplois en Suisse. L’UDC, toujours en proue pour l’indépendance de la Suisse rend en fait la Suisse plus longtemps dépendante de l’étranger et des énergies fossiles avec une politique visant à torpiller la loi sur le CO2. Elle va même jusqu’à diffuser des chiffres erronés – comme c’était déjà le cas lors de son référendum contre la stratégie énergétique 2050 – en prétendant que la loi sur le CO2 pour la période après 2020, si elle est adoptée dans la version du Conseil national, coûtera pour un ménage de quatre personnes 1400 francs par an de plus. Or, ces chiffres sont tronqués et reposent sur des valeurs extrêmes. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le calcul « oublie » que dès 2025 le produit de la taxe sur le CO2 sera complètement reversé à la population alors qu’un tiers du produit de la taxe est aujourd’hui affecté à la rénovation des bâtiments. Et les 3000 litres de mazout qui servent de base pour le calcul de la consommation correspondent à des maisons datant d’avant 1990 et n’ayant pas été rénovées.
Trafic aérien : dumping climatique !
Travail.Suisse exprime aussi sa déception qu’il ne se soit pas trouvé de majorité pour une taxe sur le CO2 sur les billets d’avion. Il était pourtant question de montants qui n’auraient pas mis en péril la compétitivité des aéroports suisses avec des taxes entre 12 et 30 francs pour des vols dans les pays de l’UE et entre 30 et 50 francs dans d’autres pays. Et d’ailleurs, plusieurs pays européens ont introduit de telles taxes. Or, l’évolution du transport aérien n’est plus supportable pour le climat. En 2015, les Suisses ont effectué 2.6 fois plus de kilomètres en avion qu’en 2005, avec pour conséquence une augmentation de 40% des émissions de CO2 dues à ce facteur. Aller à Barcelone pour 50 francs suisses, comme en train de Lausanne à Fribourg, y faire ses courses et revenir le soir : c’est faisable grâce à un véritable dumping climatique sur les prix des billets ! Il est temps que l’on s’attaque à de tels anti-modèles de mobilité durable en internalisant au moins en partie les coûts externes du trafic aérien.
La Suisse devenue un élève moyen pour la politique climatique en comparaison avec les pays de l’UE
La Suisse était encore dans les années 1990-2000 un pays avec des normes environnementales souvent plus élevées que celles en vigueur dans les pays européens voisins. Elle est devenue, en matière de politique climatique, un élève européen moyen. Elle reprend tout juste les objectifs de l’UE et encore ! La loi sur le CO2 pour la période postérieure à 2020 qui sortait des débats du Conseil national n’était pas à la hauteur des défis et des responsabilités à prendre pour léguer à nos enfants et petits-enfants un réchauffement de moins de 2°C et si possible de 1.5°C. On peut ainsi se réjouir du rejet de la loi. Travaiil.Suisse fera tout son possible, en particulier en exerçant son influence auprès de nombreux parlementaires, pour montrer la nécessité pour les travailleurs et travailleuses d’ objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux en Suisse même et parvenir ainsi à une loi sur le CO2 pour la période après 2020 de bonne facture.