Travail.Suisse, l’organisation indépendante des travailleurs, approuve sans réserve le principe qui impose sans équivoque à l’employeur le paiement des pauses d’allaitement durant le temps de travail, une lacune du droit dénoncée sans relâche depuis des années. Mais la modification de l’article 60 de l’ordonnance 1 sur la Loi sur le travail (OLT 1) proposée par le Secrétariat d’Etat à l’économie est trop restrictive et peut à nouveau conduire à une interprétation abusive des dispositions censées protéger la maternité. Consultée, Travail.Suisse a transmis ses propositions.
Travail.Suisse, l’organisation indépendante des travailleurs, dénonce depuis des années le problème du non-paiement du temps de travail consacré à l’allaitement des femmes quand elles reprennent le travail après le congé maternité. Si elles veulent suivre les recommandations des médecins, des pédiatres, du Secrétariat d’Etat à l’économie SECO et même de l’Organisation mondiale de la santé, les femmes devraient allaiter leur enfant durant les premiers six mois de vie de leur enfant. Etant donné que le congé maternité ne dure, au niveau fédéral, que 14 semaines, elles doivent pouvoir poursuivre l’allaitement de retour au travail. Or, dans la réalité, elles sont obligées de sevrer leur bébé rapidement. En cause : le temps consacré à l’allaitement (ou au pompage du lait), pourtant reconnu comme temps de travail par la loi, que certains employeurs ont décidé de ne pas rétribuer, interprétant à leur manière une législation pas assez précise en la matière.
Cette interprétation ne pourra plus avoir court prochainement. Suivant l’acceptation par le Parlement de l’initiative parlementaire de la conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier demandant la ratification de la Convention no 183 de l’OIT sur la protection de la maternité, le SECO a élaboré une proposition et organisé l’audition des partenaires sociaux.
Travail.Suisse y a participé : elle approuve sans réserve le principe de payer – enfin – les pauses d’allaitement, de même qu’elle soutient la fin de la distinction du lieu de l’allaitement (dans ou hors entreprise), ceci étant difficilement praticable. Elle dit oui aussi au principe de gradation du droit au temps d’allaitement payé en fonction du temps quotidien de travail. Toutefois, Travail.Suisse est d’avis que la proposition n’est pas assez généreuse et comporte des lacunes.
Halte à nouvelle interprétation abusive
Le règlement du paiement des pauses d’allaitement ne doit pas pouvoir conduire à l’interpréter comme un temps maximal autorisé à allaiter durant les heures de travail. Il est évident que ce temps varie selon chaque personne, les processus biologiques étant propres à chacune. L’ordonnance doit préciser que l’employeur doit octroyer tout le temps qui est nécessaire à la pratique de l’allaitement quand il se passe durant les heures de travail. Ceci pour éviter que la durée du temps d’allaitement rémunéré ne soit interprétée comme une durée d’allaitement maximale autorisée.
Pour les femmes qui ont besoin de plus de temps pour allaiter ou tirer leur lait que le temps minimal rémunéré, Travail.Suisse est d’avis qu’il revient à l’employeur de décider s’il rétribue le temps supplémentaire qui va au-delà du temps rémunéré fixé par l’ordonnance.
Organisation des pauses d’allaitement durant le travail
La façon d’organiser les pauses d’allaitement revient à chaque femme concernée. Les femmes doivent disposer de l’entière liberté d’allaiter quand il leur convient de le faire durant les heures de travail. Cette précision est particulièrement importante pour les femmes qui travaillent à temps partiel – et elles sont une majorité à le faire dans notre pays – et qui souhaitent allaiter au tout début ou en fin de leur période de travail. Ces heures-là doivent aussi être rétribuées, même si elles ont cours juste après ou juste avant une demi-journée de travail par exemple.
Pas de rattrapage ou de compensation
La formulation de l’article 60 de l’ordonnance 1 sur la Loi sur le travail (OLT 1) encore en vigueur stipule que la moitié du temps d’allaitement qui ne compte pas comme temps de travail (parce qu’il a lieu hors de l’entreprise) ne peut être rattrapée ni n’est imputée sur d’autres périodes de repos. Travail.Suisse estime que la nouvelle ordonnance doit continuer de préciser que le temps nécessaire pour allaiter ou tirer le lait ne doit être ni rattrapé, ni compensé. Bien des employeurs indélicats seraient tentés de « faire payer » leurs employées en retour du paiement du temps consacré à l’allaitement, notamment par une diminution du droit aux vacances. Cette possibilité doit absolument être interdite.
Durée de l’allaitement rétribué insuffisante
La durée des pauses d’allaitement proposée par le SECO est insuffisante : 30 minutes par journée de travail de moins de 4 heures, 60 minutes pour plus de 4 heures de travail et 90 minutes à partir de 8 heures de travail quotidien. La pratique des pays européens est plus généreuse : les Pays-Bas admettent comme temps d’allaitement jusqu’à un quart du temps de travail quotidien (soit 2 heures pour une durée de travail de 7 heures) et l’Italie accorde 2 heures si une femme travaille plus de 6 heures par jour et 1 heure sinon.
Pour que l’allaitement puisse se poursuivre dans le temps au-delà de quelques semaines, la lactation doit être entretenue par une stimulation régulière. Une femme doit donc impérativement allaiter ou pomper son lait plusieurs fois par jour pour entretenir le phénomène de lactation. Une seule pause d’allaitement est insuffisante et il est légitime qu’une femme puisse disposer du temps réparti en deux ou trois pauses d’allaitement. Pour une journée complète, 90 minutes d’allaitement est trop court s’il faut diviser ce temps par deux ou trois. La manipulation du matériel de pompage, où des règles d’hygiène stricte doivent être observées, ou bien la mise au sein d’un enfant ne peut pas être limitée de manière si courte. Il est à noter que la Société suisse de la médecine du travail considère actuellement qu’un temps de 120 minutes par jour complet de travail relève de la normalité. C’est pourquoi Travail.Suisse propose respectivement 60, 90 et 120 minutes selon la durée de la journée de travail, soit une demi-heure de plus pour chaque cas de figure.
Travail.Suisse a proposé une nouvelle formulation de l’article 60 de l’OLT 1 tenant compte des éléments exposés. Grâce à elle, il sera en fin possible aux mères qui reprennent le travail de ne plus être en demeure de mettre un terme précoce à l’allaitement de leur enfant en raison de mauvaises conditions-cadre, ce qui a été le cas actuellement. La nouvelle législation devrait entrer en vigueur cette année.