Les problèmes des travailleurs âgés dans le monde du travail ont augmenté au cours des dernières années. Cela se voit à leur nombre croissant parmi les chômeurs et les fins de droit. Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs et travailleuses, demande, d’une part, une bonne politique de la formation continue pour renforcer les chances sur le marché du travail des travailleurs âgés. D’autre part, en en cas d’exclusion du marché du travail quelques années avant l’âge de la retraite, le risque est grand de tomber dans la pauvreté pour ses vieux jours et il faut changer cette situation.
Les difficultés des travailleurs âgés se sont accentuées sur le marché du travail ces dernières années. Leur participation au-delà de la moyenne au marché du travail appartient au passé et le nombre de ceux qui sont en fin de droit a massivement augmenté. C’est la pauvreté qui menace alors les personnes concernées à l’heure de la retraite malgré une longue carrière professionnelle.
De moins bonnes chances sur le marché du travail
La bonne situation économique se répercute enfin sur le marché du travail, avec une décrue du chômage. Mais pas toutes les catégories d’âge en profitent de la même manière. Depuis 2013, le nombre des personnes au chômage de plus de 50 ans a augmenté bien plus que la moyenne, se maintient plus longtemps à haut niveau et reflue plus lentement dans cette phase de reprise que les autres catégories d’âge. Alors que l’année dernière il y avait, comparé à 2013 nettement moins de chômeurs parmi les deux catégories d’âge les plus jeunes, il y a toujours plus de personnes de plus de 50 ans annoncées dans les offices régionaux de placement (ORP) (voir graphique 1).
Graphique 1 : modification du nombre de personnes au chômage selon l’âge 2013-2018 (indexé ; 2013=100)
Source : AMSTAT et représentation propre
Cette évolution est, d’un côté, un effet de l’évolution démographique. D’un autre côté, il faut aussi prendre en considération les fins de droit. On constate en particulier que les chômeurs âgés sont plus que de proportion en fin de droit, phénomène particulièrement marqué depuis 2011 (voir graphique 2).
Graphique 2 : modification des taux d’aide sociale selon l’âge 2005-2017 (indexé ; 2005=100)
Source : OFS, statistique de l’aide sociale, représentation propre
Pendant que l’on constate pour la plupart des catégories d’âge de 2005 à 2017 des taux d’aide sociale constants ou seulement en légère hausse, l’augmentation pour les 56-64 ans est frappante. C’est en particulier depuis 2011 que le taux d’aide sociale des personnes plus âgées a augmenté bien plus que la moyenne. Le nombre de bénéficiaires d’aide sociale âgés entre 56 et 64 ans a doublé en tout dans cet intervalle à plus de 30’000 personnes.
Le « Baromètre Conditions de travail » de Travail.Suisse fait aussi apparaître certains éléments des difficultés des travailleurs âgés. Ainsi, ces derniers considèrent leur employabilité comme bien plus négative que leurs jeunes collègues. Concrètement, le nombre des travailleurs et travailleuses qui, lors de la perte volontaire ou non d’un emploi, ont de grandes difficultés pour retrouver un emploi comparable, augmente en flèche avec l’avancement en âge (voir graphique 3).
Graphique 3 : perception des limitations à l’employabilité selon l’âge 2015-2017
Source : Haute école spécialisée bernoise, Travail.Suisse, « Baromètre Conditions de travail ».
Alors qu’un tiers des 16 à 29 ans et juste la moitié des 30-45 ans estiment qu’il sera difficile de retrouver un emploi comparable, environ deux tiers des 46-65 ans pensent que cela ne sera pas ou à peine possible. On voit aussi clairement que le pourcentage de travailleurs et travailleuses ayant une mobilité limitée sur le marché du travail reste stable dans les deux catégories d’âge les plus jeunes, pendant qu’il continue à s’accroître parmi les travailleurs âgés.
Chute abrupte pour les fins de droit
Si l’on est en fin de droit peu d’années avant l’âge ordinaire de la retraite, la chute de revenu est abrupte. D’un côté, les dernières années précédant la retraite sont particulièrement importantes pour la constitution de la rente LPP. Y contribuent les salaires élevés en raison de l’évolution usuelle des salaires et les bonifications de vieillesse plus élevées en pourcent du salaire coordonné. D’un autre côté, c’est l’exclusion complète du système de rente des caisses de pension qui menace. L’épargne demeure certes dans la caisse de pension en tant que fortune sur un compte de libre-passage mais ne donne pas de droit à la rente. Enfin, après l’exclusion du marché du travail, il n’y a plus d’autre choix que de dépenser ses économies parce que le dernier filet social – l’aide sociale – n’intervient qu’en laissant une franchise de 4000 francs. L’aide sociale communale est même en partie conçue de sorte qu’il faut prendre une retraite anticipée pour obtenir l’accès à l’épargne du compte de libre-passage. Dans le pire des cas, une longue et rude carrière professionnelle de 40 ans ayant permis de mettre de côté une certaine fortune et une bonne couverture de la caisse de pension dans les années précédant la retraite ordinaire n’empêchent pas une dégringolade sociale et économique qui ne laisse comme prévoyance vieillesse que la rente AVS et d’éventuelles prestations complémentaires et conduit de facto à la pauvreté au moment de la retraite.
Des mesures sont nécessaires à plusieurs niveaux
Il s’agit en premier lieu d’éviter l’exclusion du marché du travail et ainsi maintenir l’employabilité des travailleurs âgés. Pour ce faire, il faut une bonne politique de la formation continue incluant une bonne collaboration entre les individus, l’économie et les pouvoirs publics. Cela inclut des bilans de carrière réguliers à partir de la moitié de la vie active, le développement de la formation professionnelle pour adultes et un plus large soutien aux efforts de formation continue, en particulier ceux effectués par les travailleurs âgés. Une obligation d’annoncer les postes vacants efficace doit venir compléter la formation continue et elle fonctionne bien, vu l’augmentation importante des offres d’emploi annoncées aux offices publics de placement actuellement. Il est alors essentiel que les employeurs soient aussi prêts à recruter des personnes au chômage lorsqu’ils repourvoient des postes. Il faut faire une analyse approfondie des effets de l’obligation d’annoncer les postes vacants justement aussi pour les chômeurs âgés.
Pour les travailleurs âgés en fin de droit, il faut trouver des solutions spéciales qui freinent la consommation de la fortune et protègent en particulier le capital épargné pour la prévoyance vieillesse. La mise en œuvre la plus rapide possible de la préservation du capital de la caisse de pension aussi en cas de chômage, comme cela était prévu dans la réforme de l’AVS qui avait été rejetée, a la plus haute des priorités pour Travail.Suisse. Il faut en plus examiner l’introduction d’une aide au chômage étendue ou un système avec des rentes-ponts. Il sera déterminant à cet égard de prendre en considération, respectivement d’éviter de fausses incitations aussi bien pour les travailleurs que les employeurs.