Le Conseil fédéral décidera bientôt du taux d’intérêt qu’il conviendra de fixer l’an prochain pour rémunérer notre épargne auprès des caisses de pension. Un relèvement de 2 pour cent semblerait approprié, compte tenu des résultats réjouissants obtenus sur les marchés financiers au cours des douze derniers mois.*
Les querelles politiques autour du montant du taux de conversion occultent souvent le fait qu’une autre mesure influence encore bien davantage le montant de la rente versée par la caisse de pension: la hauteur du taux d’intérêt servi sur les avoirs de vieillesse. Le Conseil fédéral réexamine chaque année le niveau minimum de cette rémunération, en déterminant le fameux « taux d’intérêt minimal ». La Commission fédérale de la prévoyance professionnelle (Commission LPP), dont font également partie Syna et Travail.Suisse, formule régulièrement une recommandation en amont de la décision du Conseil fédéral.
Axés sur les bénéfices, les assureurs-vie se remplissent les poches
La Commission de la LPP recommande actuellement au Conseil fédéral de maintenir le taux d’intérêt minimal à 1,75 pour cent. A première vue, on pourrait comprendre sa prudence. En effet, une caisse de pension ne touche que de faibles intérêts pour des placements dits sans risques, tels que des obligations de l’Etat. Toutefois, on oublie souvent que les caisses de pension placent environ un quart de leur capital dans des actions et une autre partie, entre 10 et 20 pour cent, dans des biens immobiliers. Si l’on considère la performance réalisée par les actions et les biens immobiliers, la recommandation de la Commission LPP est bien trop basse: par exemple, le SPI (Swiss Performance Index) a réalisé une performance de plus de 10 pour cent au cours des douze derniers mois. Les indices courants de la LPP – LPP-25, LPP-93 et LPP-40 – ont obtenu, eux aussi, en un an, un bon rendement de 6 à 8 pour cent. Ces chiffres et ces abréviations signifient essentiellement une chose: les fonds que les travailleurs versent dans les caisses de pension permettent d’obtenir de bons rendements. Et même si ces fonds doivent servir à honorer d’autres engagements, tels que des provisions ou des réserves pour fluctuations de valeur, un taux minimal de 2 pour cent reste très prudent et doit être possible. C’est pourquoi au sein de la Commission et lors de la consultation avec les partenaires sociaux, Syna et Travail.Suisse ont soutenu à fond un relèvement modéré à 2 pour cent. Toutefois, les compagnies d’assurances, axées sur les bénéfices, ont souhaité rémunérer les avoirs au taux maximal de 1,25 pour cent seulement et se remplir les poches avec la majeure partie des rendements. Quant à l’Union patronale suisse, appelant superficiellement à la raison et à la prudence, elle n’a pas opté pour un taux beaucoup plus élevé, en proposant une baisse à 1,5 pour cent. Rien d’étonnant! En effet, les grandes compagnies d’assurance-vie, orientées vers les bénéfices, sont membres de l’Union patronale suisse, par le biais de l’Association Suisse d’Assurances (ASA). Là encore, plus le taux est bas, plus les bénéfices des assureurs Swiss Life, Axa et Cie sont élevés.
Pas de faible rémunération à titre préventif
Le Conseil fédéral publiera prochainement son Message relatif à la réforme prévoyance vieillesse 2020. Compte tenu de la baisse considérable du taux de conversion minimal et d’autres sacrifices que la réforme exige des travailleurs, le Conseil fédéral devrait – lorsqu’il prendra sa décision définitive relative au taux d’intérêt minimal – renforcer la confiance dans la prévoyance professionnelle en donnant un signal positif et en relevant le taux d’intérêt minimal à 2 pour cent. Par le passé, le Conseil fédéral a été beaucoup trop guidé par d’éventuels risques futurs et trop peu par la performance des caisses de pension, ce qui a entraîné des taux d’intérêts minimaux très modestes. Au cours des années 2012 et 2013, les indices déterminants des actions (SMI, SPI et MSCI mondial) sont passés de 33 à 46 pour cent. Face à de tels chiffres, un taux d’intérêt minimal fixé à chaque fois à 1,5 pour cent par le Conseil fédéral pendant cette période est vraiment dérisoire! Pour justifier ce faible taux, on s’est référé aux risques considérables que présentaient les marchés financiers. Selon la maxime: pas de rémunération élevée au cas où les choses tourneraient mal. Et si elles vont bien, cela ne durera certainement pas longtemps! Tel raisonnement a conduit à une faible rémunération à titre préventif, ce qui est tout sauf encourageant pour inciter à la confiance. Si certains risques devaient survenir, les assurés seraient davantage disposés à supporter les coûts, mais uniquement à condition que leur capital vieillesse soit convenablement rémunéré en cas de bons résultats comme c’est le cas actuellement.
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*Le Conseil fédéral décidera définitivement, dans le courant d’octobre, du montant du taux d’intérêt minimal pour 2015. Sa décision est en suspens à l’heure où nous rédigeons ces lignes. Consultez le site www.travailsuisse.ch pour de plus amples détails.