Sous le titre « Les hautes écoles suisses – Plus d’excellence, moins de régionalisme », Avenir Suisse a publié une étude avec un programme en dix points pour des hautes écoles concurrentielles. L’idée qui sous-tend l’étude est que la Suisse ne peut se maintenir dans la concurrence économique internationale que si elle dispose d’excellentes hautes écoles et d’excellents lieux de recherche. Et pour y arriver, il faut, selon Avenir Suisse une politique des hautes écoles plus concurrentielle mettant fin à la politique des hautes écoles actuelle qui serait trop marquée par les spécificités cantonales . Pour Travail.Suisse, les propositions figurant dans l’étude n’apportent pas plus d’excellence, mais plus d’administration et une formation déconnectée de la réalité du terrain.
Le mot « concurrence » est le concept qui marque de son empreinte l’étude d’Avenir Suisse : il est utilisé pour décrire la situation économique actuelle : la Suisse est confrontée à d’énormes défis au vu de la concurrence économique globale. Mais la concurrence est vue aussi comme solution au problème. En renforçant la concurrence parmi les hautes écoles suisses, la compétitivité de la Suisse en sortirait renforcée. Serait-ce le cas ? Personne ne nie le fait que la Suisse est confrontée à une concurrence économique globale exigeante. Mais ce concept de concurrence aide-t-il aussi à renforcer les hautes écoles ? Travail.Suisse n’est pas convaincu par les solutions que propose Avenir Suisse.
1. Les hautes écoles de Suisse sont financées principalement par les cantons, à l’exception des Ecoles polytechniques fédérales (ETHZ, EPFL). Si l’on veut, pour augmenter la concurrence parmi les hautes écoles, répartir l’argent à disposition sur la base de critères de qualité pour promouvoir l’excellence, on ne peut compter que sur l’argent de la Confédération. Mais ce dernier serait bien en peine de créer un véritable système d’incitation. La raison ? Comme l’argent de la Confédération ne représente qu’une petite partie du financement des hautes écoles, son effet est limité dès le départ. De plus, répartir l’argent de la Confédération selon des critères de qualité nécessite d’importantes tâches de clarification administrative, ce qui prélève des ressources financières. C’est pourquoi, l’idée d’Avenir Suisse conduit d’abord à un renforcement de l’administration plutôt que de la qualité. Mais l’argument le plus important allant à l’encontre de l’idée d’Avenir Suisse est le suivant : chaque haute école dispose de filières d’étude très différentes. Il est dès lors prévisible que les critères de qualité apporteront plus d’argent à certaines filières et moins à d’autres. Il est ainsi vraisemblable qu’en prenant en considération l’ensemble des filières, chaque haute école recevra à peu près les mêmes montants ; ou alors la différence sera minime. Cela veut dire que l’on dépensera beaucoup pour peu d’effets ! Et le problème n’est toujours pas résolu vu la difficulté à mesurer objectivement la qualité et encore de manière à ce que les critères de qualité ne provoquent pas de fausses incitations.
2. Une solide formation professionnelle et dans les hautes écoles font la force de la Suisse. En premier lieu la formation professionnelle est un système très efficace du fait que la formation professionnelle initiale est financée en grande partie par l’économie et les prestations des apprenant-e-s et que la formation professionnelle supérieure, comme partie du domaine tertiaire, n’a pas de mandats de recherche, ce qui décharge les hautes écoles. Dans d’autres pays ayant une formation professionnelle initiale plus faible, les hautes écoles doivent souvent reprendre les fonctions de la formation professionnelle, ce qui conduit à la massification de l’enseignement. Les hautes écoles suisses ont ici un avantage. Elles peuvent vraiment se profiler en tant qu’hautes écoles et leur taille est modeste en comparaison avec d’autres hautes écoles. Le concept « d’ excellence » volontiers utilisé par Avenir Suisse est avant tout important dans des pays où les hautes écoles doivent se demander comment elles peuvent encore être des hautes écoles pour se distinguer des « universités de masse ». Cette question ne se pose pas en Suisse de la même manière. Tout le monde ne tient pas à aller dans une haute école. Le titre d’Avenir Suisse « Les hautes écoles suisses – Plus d’excellence, moins de régionalisme » nous fait croire que des réflexions de politique régionale affaibliraient les hautes écoles comme là où on constate une massification de l’enseignement. Est-ce le cas ? Avenir Suisse sous-estime selon moi l’importance de l’ancrage régional des hautes écoles. Il n’y a pas que les défis internationaux qu’il faut maîtriser mais aussi les défis régionaux que ce soit par la formation de personnes hautement qualifiées pour ces tâches régionales, par la recherche répondant aux défis de la région et par le soutien scientifique des entreprises actives dans la région qui sont souvent confrontées à la concurrence internationale. Ne sous-estimons donc pas l’importance de l’ancrage régional des hautes écoles. Cela permet aux hautes écoles de ne pas être coupées de la réalité du terrain.
Pour atteindre et maintenir l’excellence des hautes écoles dans l’espace restreint de la Suisse, Travail.Suisse estime qu’il vaut mieux promouvoir la collaboration et la coopération entre les hautes écoles que de les mettre en concurrence. Ce n’est qu’ainsi qu’elles resteront compétitives dans le contexte international.