La recherche en Suisse est sous pression. La question européenne non résolue et actuellement compromise par l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse cause des dommages collatéraux dans la recherche. A la fin de l’année, la Suisse perdra son statut de membre associé au premier pilier du programme-cadre de recherche de l’UE Horizon 2020, si le Protocole d’extension à la Croatie de la libre circulation des personnes n’est pas ratifié par la Suisse dans les délais avant le 9 février 2017. La condition posée par le Parlement dans le dossier de la Croatie, voulant que le Protocole ne soit ratifié que lorsqu’une solution compatible existe avec l’UE concernant le contrôle de l’immigration, rend la situation encore plus difficile. Pour Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs, c’est là une évolution dangereuse, qui ne doit pas être sous-estimée.
La recherche en Suisse relève de la ligue des champions. Mais elle risque la relégation. Pour trois raisons:
1. La recherche est tributaire des échanges internationaux. Il était très important pour la Suisse d’être acceptée en 2004 comme membre associé des programmes de recherche de l’UE. Les chercheurs suisses (des entreprises aussi) disposaient ainsi des mêmes droits et devoirs dans le cadre de ces programmes et étaient étroitement impliqués dans leur déroulement. La Suisse a utilisé cette chance de manière optimale. Preuve en est par exemple qu’elle a reçu plus de moyens financiers issus des fonds de recherche affectés à ces programmes qu’elle n’a elle-même déboursé. Mais depuis l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse, la collaboration internationale pratiquée par le biais des programmes de recherche de l’UE a subi un sérieux coup de frein. Dans les piliers deux et trois, la Suisse n’est plus tolérée que comme Etat tiers. Et à partir de 2017, la Suisse sera également considérée comme un Etat tiers dans le pilier un (où sont intégrés les encouragements du Conseil européen de la recherche (CER) extrêmement important pour la science en Suisse), si l’on ne réussit pas à trouver une formule acceptée tant par l’UE que par la Suisse pour maintenir la libre circulation des personnes et l’étendre à la Croatie. La Suisse perdrait alors d’importants accès au monde de la recherche.
2. L’insécurité est un poison pour la recherche. La recherche est une entreprise de longue haleine. Elle repose sur la constance et la sécurité. Les problèmes bilatéraux actuels, qui découlent de l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse, affaiblissent le système. Aussi bien les hautes écoles que les entreprises ne savent plus très bien comment la situation va évoluer et sont ainsi freinées dans leurs décisions et minées quant à leur motivation. En outre, il est devenu plus difficile d’attirer des chercheurs doués. Un pays qui a un statut d’Etat tiers n’offre pas le meilleur accès possible aux projets de recherche, et n’est plus considéré comme un partenaire digne de confiance par la communauté européenne de la recherche. Alors, autant accepter un autre poste, dans un autre pays, qui permet cet accès à long terme.
3. Un point positif en moins pour établir une entreprise. Pourquoi quelqu’un vient-il créer une entreprise en Suisse et partant des emplois? Une des raisons en est sans doute que la Suisse est en ligue des champions pour la recherche. Mais pour combien de temps encore ? Si la Suisse se renferme et qu’elle ne puisse plus participer aux programmes de recherche de l’UE qu’en qualité d’Etat tiers, la recherche perdra de sa brillance à moyen et à long terme. Sa position va lentement mais sûrement se détériorer. Et en même temps, l’un des piliers sur lesquels repose sa réussite économique.
L’initiative contre l’immigration de masse a aujourd’hui déjà causé des dommages collatéraux à la recherche. Il faut espérer qu’ils ne vont pas s’aggraver mais qu’ils pourront être corrigés. A cette fin, Travail.Suisse estime qu’il faut chercher une solution en accord avec l’UE. La clause de sauvegarde unilatérale envisagée par le Conseil fédéral ne conduit pas au but et présente un danger, si l’on considère ses conséquences sur la politique économique et la politique de la recherche.