Au cours des deux dernières décennies, la formation professionnelle a connu d’importants changements que tout le monde n’a pas intégrés dans sa façon de penser. Malheureusement, il arrive ainsi régulièrement que des réflexions bien intentionnées ou des provocations ratent complètement leur cible. Il y a surtout trois réformes qui ne sont pas correctement prises en considération, voire qui sont parfois ignorées.
À long terme, la formation professionnelle n’a un avenir que si elle s’adapte intelligemment et en permanence aux nouveaux changements économiques et sociaux. Par bonheur, elle a cette capacité d’innovation; elle en a apporté la preuve ces dernières années, espérons que ce sera toujours le cas à l’avenir. Mais toutes les réformes ne sont pas suffisamment prises en compte par toutes les couches de la société. Voici trois exemples:
La maturité professionnelle
Dans son article « Warum die Schweiz so bildungsfeindlich ist » (Pourquoi la Suisse est-elle aussi hostile à la formation?)1, Philipp Sarasin considère que les jeunes ayant terminé l’école obligatoire continuent de choisir entre l’apprentissage professionnel et le gymnase. Mais au cours des dernières années, cette sélection a fondamentalement changé. Actuellement, les jeunes capables d’obtenir une maturité ne choisissent plus entre l’apprentissage et la maturité gymnasiale, mais entre la maturité gymnasiale et la maturité professionnelle. Il s’agit d’une concurrence bien différente de celle que décrit M. Sarasin. La maturité gymnasiale ne fait plus concurrence à l’apprentissage, mais à la maturité professionnelle. Il n’est guère aisé d’entrer en discussion avec quelqu’un qui n’a pas intégré cette réforme fondamentale et qui ne voit pas qu’il y a aujourd’hui des jeunes avides de formation. Ces jeunes, en connaissance de cause, préfèrent, après le cycle d’orientation, la maturité professionnelle à une maturité gymnasiale.
La formation professionnelle supérieure
De même, la formation professionnelle supérieure est régulièrement sous-estimée par les milieux universitaires. On ne veut pas admettre qu’elle fait partie de l’enseignement tertiaire depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la formation professionnelle. On la catalogue plus volontiers dans la formation continue – pour autant qu’on la prenne en considération – et elle fait concurrence à ces formations proches de l’emploi avec des offres de formation continue issues des hautes écoles. On oublie que cette formation professionnelle supérieure, qui délivre plus de 28’000 diplômes par an2, couvre la majeure partie des besoins en qualifications que recherchent les PME. Encore heureux que le législateur n’ait pas été aveugle à cela lors de la création de la nouvelle loi sur l’aide aux hautes écoles et la coordination dans le domaine des hautes écoles (LAHE), et qu’il ait repris sciemment le thème de la « formation continue dans les hautes écoles et la formation professionnelle supérieure »3.
Les formations différenciées dans le domaine de la santé
Le domaine de la santé doit, lui aussi, lutter contre le fait que toutes les réformes ne sont pas prises en considération. Les politiciens qui se préoccupent de la formation se plaignent en bloc et un peu rapidement du « académisation » du domaine de la santé . Ce n’est pourtant pas le cas. Il existe désormais, grâce aux réformes entreprises, un apprentissage en « soins et santé communautaire », ainsi qu’un apprentissage sanctionné par une attestation fédérale santé-social « Aide en soins et accompagnement AFP », qui représentent tout le contraire d’une « académisation ». De plus, la formation en soins infirmiers, dispensée jusqu’ici par la Croix-Rouge suisse, a été reconnue dans le système de la formation professionnelle, récemment dans le système tertiaire B, sans toutefois avoir été véritablement repositionnée du point de vue de son niveau. Par contre, le système de formation dans le domaine de la santé s’est différencié de sorte à ce que celui-ci est désormais représenté à tous les niveaux de formation, de l’apprentissage sanctionné par une attestation fédérale jusqu’au master d’une haute école.
3 LAHE, buts, art. 3i: prévenir les distorsions de la concurrence entre les prestations de services et les offres de formation continue proposés par les institutions du domaine des hautes écoles et celles proposées par les prestataires de la formation professionnelle supérieure.