Il faut garantir les salaires et le service public
Prise de position des syndicats sur le résultat des négociations avec l’UE
Le Comité de Travail.Suisse et les délégué∙e∙s de l’Union syndicale suisse (USS) ont examiné aujourd’hui le résultat du nouvel accord négocié avec l’UE et adopté leur position commune en vue des négociations de politique intérieure à venir. L’accord conclu met en péril la protection des salaires. En raison notamment de la réduction du délai d’annonce, de la suppression de fait de la caution, de la remise en question de l’interdiction d’offrir des services en Suisse et de la reprise de la réglementation européenne des frais. En outre, l’accord facilite aux entreprises de l’UE l’accès au marché suisse. Afin de préserver la protection des salaires en vigueur, Travail.Suisse et l’USS demandent en particulier la garantie que les frais couverts soient conformes à la réglementation suisse, un régime de responsabilité des maîtres d’ouvrage et des entreprises générales, des plans d’action pour encourager les CCT, ainsi qu’une meilleure protection contre le licenciement des personnes s’engageant pour de bonnes conditions de travail dans leur entreprise.
Les deux faîtières syndicales ont examiné de près aujourd’hui, dans leurs organes décisionnels respectifs, le résultat des nouveaux accords Suisse-UE négociés.
La Suisse possède les salaires les plus élevés d’Europe, et il en va de même pour le coût de la vie. Afin de protéger les salaires, la Suisse a introduit il y a 20 ans déjà, suite aux pressions syndicales, les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Grâce aux CCT, aux contrôles effectués et aux amendes infligées, les salaires n’ont pas baissé dans les secteurs dûment protégés. Or l’accord nouvellement négocié fait passer à la trappe des pans entiers de ces mécanismes de protection. La pression à agir sur le terrain de la protection des salaires est donc plus grande que jamais.
Décision du Comité de Travail.Suisse
Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des salarié∙e∙s, a également adopté aujourd’hui une résolution sur le résultat des négociations avec l’UE, lors d’une séance extraordinaire de son Comité. L’accord aura pour effet un affaiblissement massif de la protection des salaires, dû notamment à la réduction du délai d’annonce, à la suppression de fait de la caution et à la remise en question de l’interdiction d’offrir des services en Suisse.
Pour que Travail.Suisse puisse soutenir l’accord négocié, il est par conséquent nécessaire, d’une part, de prévoir des mesures de compensation et, d’autre part, de moderniser la protection des salaires. Adrian Wüthrich, président de Travail.Suisse, l’a clairement dit : « Nous voulons bien mener des discussions constructives de politique intérieure et rechercher des solutions. Mais la protection des salaires a été affaiblie et sans mesures compensatoires fortes en matière de politique intérieure, Travail.Suisse n’acceptera en aucun cas le résultat négocié sur le terrain de la politique extérieure. »
Dans une optique de protection des salaires et des conditions de travail, le Comité de Travail.Suisse demande notamment ceci :
- Le principe « un salaire égal pour un travail égal au même endroit » doit également s’appliquer aux frais. Des garanties contraignantes s’imposent en vue de la non-application de la réglementation européenne.
- Il faut mettre en place de nouveaux instruments efficaces qui garantissent le niveau actuel de protection des salaires.
- Il est nécessaire d’adapter les quotas des employeurs requis pour les CCT étendues.
- Dans les secteurs sans CCT, il faut instaurer une obligation légale d’édicter des contrats-types de travail, en cas de sous-enchère salariale abusive et répétée.
- Les employeurs doivent s’engager clairement en faveur d’un partenariat social fort.
Décision des délégué∙e∙s de l’USS
L’assemblée extraordinaire des délégués de l’USS a ainsi mené une discussion très critique sur les résultats obtenus à ce jour. Dans leur résolution, les délégué∙e∙s se réclament certes d’une Suisse sociale et ouverte et reconnaissent la réelle importance de l’UE pour un développement de l’Europe et une coopération interétatique placés sous le signe de la paix. L’USS soutient à ce titre l’ouverture de la Suisse à l’UE, pour autant qu’elle profite aux travailleuses et travailleurs et qu’elle ne leur nuise pas. Mais les détériorations de la protection des salaires sont inacceptables pour les délégué∙e∙s.
Pierre-Yves Maillard, président de l’USS, a souligné dans son exposé que « l’accord affaiblit la protection des salaires. Il faudra y remédier et négocier ferme. Notre but étant de trouver une solution qui soit utile aux travailleuses et travailleurs, au lieu de leur nuire. »
Dans leur vote, les délégué∙e∙s de l’USS ont réclamé de nouvelles mesures propres à garantir la protection des salaires et le service public. Leurs revendications concrètes sont notamment les suivantes :
- responsabilité des maîtres d’ouvrage ainsi que des adjudicateurs, en cas d’infraction commise par leurs sous-traitants
- raccourcissement du traitement des annonces par les cantons
- renégociation de la réglementation des frais
- augmentation du nombre de CCT déclarées de force obligatoire
- meilleure protection contre le licenciement des travailleuses et travailleurs s’engageant pour de bonnes conditions de travail et la sécurité au travail
- meilleur statut pour la main-d’œuvre temporaire
- non à la libéralisation du marché de l’électricité
- garantie, dans le secteur du transport ferroviaire international de voyageurs, du modèle de coopération et d’une solution d’attribution des sillons en mains suisses
La liste complète des revendications figure dans la résolution de l’USS.
Ce débat sur l’Europe a donné l’occasion à Esther Lynch, secrétaire générale de la Conférence européenne des syndicats (CES), d’exprimer aujourd’hui dans un message de solidarité son soutien à l’analyse critique de l’accord trouvé entre le Conseil fédéral et l’Union européenne. Selon ses propres mots, la CES partage l’inquiétude des syndicats suisses quant aux effets néfastes d’un tel accord sur les droits des travailleuses et travailleurs en Suisse. En effet, l’accord négocié affaiblit massivement les mécanismes de protection existants contre la sous-enchère salariale. Il introduit même de nouvelles règles rendant possible une concurrence déloyale au détriment de la main-d’œuvre locale ou étrangère occupée en Suisse. « La CES est donc pleinement aux côtés des syndicats suisses, aujourd’hui où il s’agit de défendre les droits des travailleurs et travailleuses et de maintenir un service public fort », a expliqué Esther Lynch.