Depuis plus de dix ans, Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleuses et des travailleurs, étudie le développement des salaires des managers. La conclusion de la 13ème enquête est alarmante: Les chefs s’octroient de copieuses augmentations de salaire, pendant que la pression sur les salaires, l’insécurité et la peur de perdre son poste augmentent sur les bas salaires. L’écart entre les salaires augmente malgré l’adoption de la loi sur les rémunérations abusives. Désormais, il appartient au monde politique de limiter ces débordements avec une révision efficace du droit de la société anonyme et d’augmenter l’utilité des hauts salaires des managers au profit de la population, par une contribution de solidarité appliquée aux hauts revenus.
Depuis déjà treize années consécutives, Travail.Suisse étudie l’écart salarial entre les salaires les plus bas et les plus hauts, dans 27 entreprises suisses. Cette analyse met en évidence des développements inquiétants.
De copieuses augmentations salariales pour les chefs et une initiative contre les rémunérations abusives qui reste sans effet
En 2016 aussi, les salaires des chefs ont nettement plus augmenté que ceux des personnes ayant des revenus bas ou moyens: Dans la majorité des entreprises étudiées, les indemnités du CEO ont augmenté en moyenne de 5%. Donc depuis 2011, les salaires à l’étage de la direction ont copieusement augmenté de 17%, alors que les travailleurs normaux ont dû se contenter, durant la même période, d’augmentations salariales de 3,4%. « Pendant qu’en haut, on arrose à la louche, en bas, on rationne! Alors, bien sûr, l’écart salarial ne cesse d’augmenter », dit Adrian Wüthrich, Président de Travail.Suisse. Comme le montre l’étude sur les salaires des dirigeants, l’écart salarial moyen dans les entreprises était, en 2011, encore de 1:45 et a augmenté jusqu’à 2016 à plus de 1:51. Cette tendance n’est pas seulement marquée par les grandes entreprises de la finance et de l’industrie pharmaceutique, on la retrouve dans toutes les branches. Comme exemples représentatifs de cette augmentation salariale en progression au cours des dernières années, nous avons Valora avec le CEO Michael Müller (de 1: 23 à 1:59), Lonza avec son chef Richard Ridinger (de 1:40 à 1:76), Yves Serra de Georg Fischer (de 1:32 à 1:54), Helvetia-CEO Stefan Loacker (de 1:25 à 1:37) ou le reste des membres de la direction du groupe de Lindt&Sprüngli (de 1:34 à 1:52).
Les résultats depuis 2011, c’est-à-dire justement pendant la phase intense des débats parlementaires sur l’initiative contre les rémunérations abusives, montrent qu’aucun effet modérateur n’a pu être obtenu avec l’initiative sur les salaires des managers. Le renforcement du droit des actionnaires conduit, il est vrai, à des votes sur les indemnités du management lors des assemblées générales. Mais, dans leur grande majorité, les votes ont lieu en mettant en commun les parties fixe et variable (bonus) et de manière prospective, c’est-à-dire à l’avance et sans connaissance de la bonne marche des affaires. Les primes d’entrée libérant le manager en rachetant les bonus planifiés par l’ancien employeur continuent, elles aussi, d’être autorisées comme auparavant. Ainsi, Mario Greco, le nouveau chef de Zurich Insurance, a reçu 4.2 millions de francs supplémentaires en compensation du versement des bonus, qu’il ne percevra plus par son ancien employeur au cours des prochaines années, suite à son arrivée à la tête de Zurich Insurance.
Femmes: Davantage de femmes deviennent membres des conseils d’administration, mais aucun progrès n’est constaté dans les directions des groupes
La tendance à toujours plus de femmes membres des conseils d’administration s’est maintenue. Le quota de femmes a ainsi pu doubler au cours des dix dernières années, mais les femmes membres de conseils d’administration occupent toujours moins d’un siège sur quatre. La situation dans les directions des groupes est, quant à elle, vraiment dramatique. Fin 2016, seuls13 des 204 postes des directions des groupes étaient occupés par des femmes, ce qui fait une représentation féminine de seulement 6%.
Il faut des mesures politiques efficaces
Le montant indécent des salaires des managers et l’écart salarial grandissant conduisent à une incompréhension et une méfiance entre la population et l’économie. L’adoption de l’initiative contre les rémunérations abusives et le rejet de la Réforme sur l’imposition des entreprises III montrent bien les conséquences politiques imprévisibles qu’entraîne cet écart salarial. Il faut donc que le monde politique prenne d’urgence des mesures visant à rétablir la confiance et à organiser une plus grande utilité des hauts salaires des managers pour la population. Travail.Suisse voit un besoin d’agir dans les domaines suivants :
• Une révision efficace du droit de la société anonyme : Avec l’adoption de l’initiative contre les rémunérations abusives, le droit des actionnaires devait être renforcé. Pourtant, aucun effet modérateur ne peut être constaté sur les salaires des managers et des échappatoires ainsi que des possibilités de contournement continuent d’exister pour les indemnités d’entrée et de départ. Des mesures efficaces doivent impérativement être introduites lors de la prochaine révision. L’introduction d’un quota de femmes dans les directions des groupes est la seule manière d’obtenir une répartition judicieuse des postes entre hommes et femmes.
• Transparence fiscale et contribution de solidarité pour les hauts revenus: Comme la limitation des hauts salaires ne rassemble pas une majorité politique et que le renforcement du droit des actionnaires ne résoudra pas le problème, il faut augmenter l’utilité des hauts salaires pour la société. Il faut une transparence fiscale pour les hauts revenus et un débat politique sur une contribution de solidarité.
• Protéger les salaires et les postes de travail: L’idée qu’en haut, les salaires augmentent vaillamment et qu’en bas, la pression sur les salaires, la charge de travail et la peur de perdre son poste augmentent contribue de manière prépondérante au malaise dans la population. Il faut une meilleure protection des salaires et des emplois.
• Compensation des pertes par la réforme de l’imposition des entreprises: Le projet fiscal 17 offre des opportunités de réductions généralisées d’impôts se comptant en milliards, pour les entreprises. Le financement de compensation proposé par le Conseil fédéral est insuffisant. Il augmente le fossé entre la population et l’économie. Une correction de cette politique fiscale s’impose.
Pour de plus amples informations:
• Adrian Wüthrich, Président de Travail.Suisse, 079 287 04 93
• Jacques-André Maire, Conseiller national et vice-président de Travail.Suisse, 078 709 48 50
• Gabriel Fischer, Responsable de la politique économique Travail.Suisse, 076 412 30 53