Une chose est claire pour Travail.Suisse: la Suisse a besoin d’une politique de formation continue qui englobe aussi la catégorie des « travailleurs et travailleuses plus âgés ». Il est nécessaire à cet effet de modifier la loi sur la formation professionnelle de manière à ce que les travailleurs et travailleuses plus âgés deviennent un groupe cible de la formation continue à des fins professionnelles (art. 30-32 LFPr) et que des mesures visant à encourager la formation continue des travailleurs et travailleuses plus âgés soient possibles à l’avenir, conformément à l’art. 55 LFPr.
La politique nationale est consciente de l’importance d’une forte participation 1 des travailleurs d’un certain âge 2 au marché du travail, étant donné l’évolution démographique. Toutefois, cette certitude n’est pas encore ancrée dans les lois fédérales portant sur la formation. Les travailleurs et travailleuses plus âgés ne sont mentionnés ni dans la loi sur la formation professionnelle, ni dans la loi sur la formation continue, actuellement à l’état de projet du Conseil fédéral. Au niveau de la loi, ils ne sont pas considérés comme un groupe cible spécial de la formation continue. À l’avenant, les projets de formation mettant l’accent sur le groupe cible des « travailleurs et travailleuses plus âgés » font également défaut aujourd’hui.
Les travailleurs et travailleuses plus âgés sont importants pour l’économie
Sous l’effet de l’évolution démographique, le nombre de travailleurs et travailleuses plus âgés sur le marché du travail augmente par rapport à l’ensemble des travailleurs. De ce fait, ils contribuent à une part croissante du produit national brut, et il est de plus en plus important, d’un point de vue économique 3 , de maintenir leur aptitude au travail. Mais s’ils doivent pouvoir répondre aux attentes de l’économie et du marché du travail, ils doivent aussi avoir les compétences nécessaires lorsqu’ils atteignent un âge avancé. À cet égard, la formation ne doit pas perdre de vue deux objectifs fondamentaux:
Premièrement, on ne doit pas en arriver à des déqualifications. Il faut absolument éviter que des travailleurs et travailleuses plus âgés quittent le marché du travail, soient mis à l’écart ou démotivés en raison de décalages dans le profil exigé, de changements au sein de l’entreprise, de suppression de champs d’activité, d’évolutions techniques ou d’une trop forte spécialisation de leur profession.
Deuxièmement, la formation doit créer les conditions préalables à une seconde carrière. Les jeunes travailleurs et travailleuses visent surtout une promotion de carrière en suivant une formation et ils en tirent leur motivation. Par contre, les travailleurs et travailleuses plus âgés sont plutôt intéressés par une carrière horizontale, c’est-à-dire par une évolution professionnelle qui tienne compte de leurs besoins, notamment celui de continuer à accomplir un travail intéressant en dépit de changements professionnels, et celui de voir leur travail apprécié.
La formation permanente est nécessaire pour pouvoir atteindre ces deux objectifs. Concrètement, cela implique trois choses:
Premièrement, il faut que les travailleurs et travailleuses plus âgés aient régulièrement accès à la formation, et ce, suffisamment tôt. En principe, le lien avec la formation ne devrait jamais être coupé. Tous les travailleurs et travailleuses devraient se former tout au long de leur vie, afin de ne pas se retrouver dans une impasse professionnelle. Et si les personnes ont perdu tout accès à la formation, les entreprises devraient les réorienter vers un processus de formation, au plus tard dès l’âge de 45 ans. Toutefois, cela va totalement à contre-courant de la politique actuelle en matière de personnel.
Deuxièmement, il est nécessaire pour les travailleurs plus âgés d’avoir accès à une formation continue qui leur corresponde, qui traite des thèmes qui les intéressent et qui soulève des questions pertinentes pour eux. De plus, les formations continues devraient contribuer à éviter les déqualifications et permettre des carrières horizontales.
Troisièmement, il faut des formations continues qui soient correctement dispensées, pour lesquelles la didactique et la méthodologie soient adéquates, c’est-à-dire conçues pour les travailleurs et travailleuses plus âgés. Elles doivent, par exemple, prendre en considération le fait que les travailleurs et travailleuses plus âgés ayant une grande expérience professionnelle participent à une formation continue pas forcément pour apprendre quelque chose de nouveau, mais pour « rafraîchir ou approfondir leurs connaissances ».
Une nouvelle image des travailleurs et travailleuses plus âgés
Si l’on prend la démographie au sérieux, l’on doit adopter une nouvelle conception des travailleurs et travailleuses plus âgés dans le monde du travail. Voici les facettes à considérer:
• La formation continue est nécessaire et importante non seulement pour les jeunes mais aussi de plus en plus pour les séniors.
• Il est nécessaire d’adopter une culture de la formation continue qui prenne davantage au sérieux les travailleurs et travailleuses plus âgés et leurs besoins spécifiques et qui s’adresse à ce public cible tant sur le plan de la thématique que sur ceux de la méthodologie et de la didactique (pédagogie).
• À l’avenir, les entreprises ne pourront pas compter uniquement sur le fait de pouvoir maîtriser les innovations en embauchant des travailleurs et travailleuses jeunes. Elles devront plutôt réfléchir à la manière de rendre les innovations possibles avec des travailleurs et travailleuses plus âgés et grâce à eux.
• Les travailleurs et travailleuses d’un certain âge ont une plus longue expérience professionnelle que les jeunes travailleurs et travailleuses. Il faut faire en sorte que leurs expériences ne constituent pas un obstacle aux développements mais qu’elles puissent au contraire servir de base à ces derniers.
• Les jeunes travailleurs et travailleuses sont motivés à suivre des formations continues en espérant qu’elles leur vaudront des promotions dans leur carrière et un relèvement de leur salaire. Le monde du travail doit faire en sorte que les travailleurs et travailleuses plus âgés qui n’ont plus de prétentions de carrière puissent, eux aussi, être motivés à suivre des formations continues.
Exigence en matière de politique de la formation
En intégrant une base légale consacrée à la formation des travailleurs et travailleuses plus âgés dans la loi sur la formation professionnelle, on permet à cette dernière de contribuer, grâce à ses instruments, à renforcer la capacité des travailleurs et travailleuses plus âgés sur le marché du travail. Cette base légale pourrait se présenter comme suit :
Art. 32 Mesures de la Confédération
1 La Confédération encourage la formation continue à des fins professionnelles.
2 Elle soutient notamment l’offre visant:
a. à permettre aux personnes dont la profession connaît des modifications structurelles de se maintenir dans la vie active;
b. à faciliter la réinsertion professionnelle des personnes ayant temporairement réduit leur activité professionnelle ou l’ayant interrompue.
c. (nouveau) à maintenir et à améliorer, par des mesures appropriées, la capacité des travailleurs et travailleuses plus âgés sur le marché du travail.