Au cours de sa prochaine session, le Parlement va de nouveau délibérer sur de nombreux objets qui sont d’une importance fondamentale pour les travailleurs et travailleuses. Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs et travailleuses, résume brièvement ci-après sa position relative à des objets sélectionnés.
Politique économique et politique du marché du travail
Conseil national – Initiative parlementaire. Prévention de l’endettement par l’interdiction de la publicité en faveur des petits crédits (10.467) : cette initiative parlementaire vise la modification de la loi fédérale sur le crédit à la consommation (LCC). La publicité agressive en faveur des petits crédits serait ainsi interdite et une disposition pénale appliquée en cas d’inobservation de cette interdiction. Pour Travail.Suisse, une telle interdiction contribue grandement à la prévention de l’endettement. Les jeunes en particulier seraient ainsi protégés du surendettement. Travail.Suisse recommande au Conseil national de s’aligner, lors de la phase d’élimination des divergences, sur le Conseil des Etats et le Conseil fédéral et d’approuver la révision de cette loi.
Conseil des Etats – Loi sur l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation (LASRE). Modification (14.040) : la révision permet d’étoffer durablement les assurances de l’ASRE par l’assurance du crédit de fabrication, la garantie de bonds et la garantie de refinancement. Ces instruments avaient été introduits en 2009 à titre provisoire, dans le cadre de mesures de stabilisation. Il s’agit maintenant de les intégrer dans le droit ordinaire, ce qui va engendrer une amélioration des liquidités des exportateurs. Travail.Suisse pense que les nouveaux instruments qui ont été introduits ont fait leurs preuves. Cette révision de la loi sur l’Assurance suisse contre les risques à l’exportation répond à un besoin de l’industrie d’exportation et peut grandement contribuer à la création et au maintien d’emplois. Travail.Suisse recommande d’adopter les modifications proposées.
Conseil des Etats – Motion. Changer la loi pour renforcer le recours à la main-d’œuvre indigène (14.3795) : la motion demande au Conseil fédéral des modifications législatives propres à promouvoir la main-d’œuvre indigène. La politique de la formation doit être plus en adéquation avec la demande de main-d’œuvre et le potentiel des seniors doit être mieux exploité. Travail.Suisse se rallie à ce que dit la motion, à savoir que l’initiative de la Confédération sur la main-d’œuvre ne s’attaque pas résolument aux défis à relever et que les employeurs ne se montrent pas disposés à contribuer de leur plein gré à la promotion de la main-d’œuvre indigène. Pour Travail.Suisse, il est primordial de mieux répondre à la nécessité de concilier vie professionnelle et vie familiale afin d’augmenter la participation des femmes au marché du travail. Il importe de protéger de la déqualification les travailleurs et travailleuses âgés, leur permettant ainsi de se maintenir dans le processus de travail. De plus, dans le domaine de la formation de rattrapage pour adultes, le potentiel qualifié existant peut rapidement accéder au système de formation (continue), donc contribuer sensiblement à la réduction du manque de main-d’œuvre qualifiée. Travail.Suisse recommande l’adoption de cette motion.
Politique sociale
Conseil des Etats – Postulat Maury Pasquier. Un enfant, une seule allocation (14.3797) : le Conseil fédéral est chargé d’examiner dans un rapport les incertitudes suscitées par le droit fédéral en vigueur ainsi que les possibilités de le modifier. La modification vise à empêcher que deux prestations familiales soient octroyées pour le même enfant lorsqu’un des parents est employé d’une organisation internationale en Suisse. Travail.Suisse recommande d’accepter ce postulat afin de garantir le même traitement pour tous les parents et une allocation par enfant.
Conseil national – Initiative populaire. Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage. (13.085) : La CER-N charge le Conseil national d’élaborer un contre-projet direct à cette initiative. Travail.Suisse approuve cette démarche et se rallie à la teneur du contre-projet. Les objectifs de l’initiative y sont repris, sans toutefois exclure, pour l’avenir, le système de l’imposition individuelle des couples mariés. De plus, ce contre-projet ne prévoit pas l’inscription dans la Constitution fédérale de la définition du mariage.
Conseil national – Initiative populaire. Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale) (13.107) : l’initiative vise à imposer les successions d’un montant dépassant deux millions de francs. Sont exonérées de l’impôt les parts de legs du conjoint ou du partenaire enregistré. En outre, d’importants allègements sont accordés lorsqu’une entreprise ou une exploitation agricole fait partie du legs. Grâce aux franchises élevées, la classe moyenne est exonérée de cet impôt. Travail.Suisse considère cette initiative comme une contribution importante en matière de solidarité entre générations. L’acceptation de l’initiative permettrait en outre de déjouer la concurrence fiscale, ruineuse pour certains cantons. Etant donné qu’un tiers des rentrées d’argent irait aux cantons, ces derniers seraient directement renforcés. Les personnes d’obédience libérale devraient d’ailleurs également soutenir l’initiative, car une imposition des successions renforce l’idée du principe de rendement et de l’égalité des chances. Le montant annuel, évalué à deux milliards de francs, que rapporterait l’impôt sur les successions aurait des répercussions positives sur l’AVS, puisqu’il réduirait de beaucoup le futur trou financier que la réforme prévoyance vieillesse 2020 prévoit de combler en augmentant la taxe sur la valeur ajoutée. Une contribution de l’impôt sur les successions en faveur de l’AVS est d’autant plus importante que le Conseil fédéral a déjà réduit à 1.5 pour cent, après la procédure de consultation, les deux pour cent supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée initialement prévus dans la réforme prévoyance vieillesse 2020.
Politique d’égalité
Conseil des Etats – Motion Häberli-Koller – Changer la loi pour renforcer le recours à la main d’œuvre indigène (14.3795) : Après l’acceptation de l’initiative contre l’immigration de masse le 9 février dernier, de vraies mesures sont attendues par la motionnaire : des modifications législatives propres à promouvoir l’accroissement du taux d’activité des femmes et des travailleurs âgés, ainsi que la mise en place d’une politique de la formation assurant une adéquation de l’offre et de la demande sur le marché de l’emploi. La démocrate-chrétienne thurgovienne estime que l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié (FKI) ne comporte rien de concret et qu’on ne peut pas attendre de l’économie qu’elle fasse les efforts nécessaires en la matière.
Travail.Suisse soutient cette motion qui oblige le Conseil fédéral à prendre des mesures concrètes après les nobles déclarations d’intention. Il s’agit toutefois d’abord d’analyser quelles sont les raisons qui retiennent les femmes de s’investir plus sur le marché de l’emploi (manque d’infrastructures de garde et de soins aux enfants et aux proches âgés, coûts de ces prestations publiques ou privées, effets d’une élévation du taux d’occupation sur le revenu disponible, modèles et horaires de travail proposés aux femmes et aux hommes, répartition des tâches familiales et domestiques au sein des familles, etc.). Pour plus d’efficacité, des mesures sanctionnant les entreprises qui licencient les femmes en raison d’une maternité ou qui n’engagent pas de personnes au-delà de 50 ans au motif qu’elles seraient trop âgées sont aussi à envisager dans le train de mesures attendues.
Politique de la formation
Conseil national/Conseil des Etats – Initiative populaire sur les bourses d’études et révision totale de la loi sur les contributions à la formation (13.058) : la discussion porte sur la question de savoir si l’article 15 (montants maximaux en vertu de standards de vie minimaux) de l’accord intercantonal sur l’harmonisation des régimes de bourses d’études doit aussi être considéré comme un critère pour l’octroi de subventions fédérales aux cantons. Il serait possible de renoncer à l’article 15 si la Confédération calculait le montant des subventions d’après les coûts effectifs, car les cantons bénéficieraient alors du même traitement – indépendamment de leurs taux de subventions. Mais, compte tenu du fait que d’après l’article 5 de la loi sur les contributions à la formation le montant des contributions est calculé en fonction de la population résidante, des montants maximaux en vertu de standards de vie minimaux s’imposent, surtout parce que le coût des études dans une ville universitaire est le même pour tous et parce qu’il est incompréhensible que les étudiants ne bénéficient pas du même traitement financier en ce qui concerne les bourses d’études, alors que chaque canton reçoit de la Confédération le même montant pour chaque étudiant.
Conseil des Etats – Motion Fetz. Fonds en faveur d’une offensive de qualification dans le domaine de la formation professionnelle initiale soutenue par la Confédération, les cantons et les organisations du monde du travail (14.3927) : d’après Travail.Suisse, cette motions prévoit un important programme d’investissement. Il intègre la discussion en matière de politique de la formation pour adultes de ces deux, trois dernières années et fixe la base financière et structurelle. Le renforcement de la formation professionnelle pour adultes est une impérieuse nécessité en lien avec le marché du travail (meilleure employabilité), la démographie (lutte contre la pénurie d’une main-d’œuvre qualifié) et les assurances sociales (allègement des assurances sociales).
Conseil des Etats – Postulat CSEC-CE. Programme incitatif en vue de transformer les structures des carrières dans les hautes écoles suisses (14.4006) : Travail.Suisse soutient ce postulat. Un encouragement approprié et renforcé de la relève dans les universités est une des mesures les plus importantes qui permettent de garantir à l’avenir la qualité dans les hautes écoles universitaires. Dans la perspective du prochain message FRI 2017-20, afin de donner un profil plus prononcé aux différents types de haute école, il s’agit non seulement de s’atteler à l’encouragement de la relève dans les universités, mais aussi de se pencher sur la question de savoir comment les hautes écoles spécialisées peuvent recruter des professeurs ancrés aussi bien dans la recherche que dans la pratique (!).
Politique énergétique / durabilité économique
Conseil national – Stratégie énergétique 2050, premier volet. Pour la sortie programmée de l’énergie nucléaire. Initiative populaire (13.074) : Travail.Suisse avait salué globalement le projet du Conseil fédéral car il prévoit la sortie du nucléaire avec l’encouragement des énergies renouvelables, ce qui contribue aussi à favoriser l’innovation et la création d’emplois. La CEATE du Conseil national a maintenu les principales dispositions du projet, ce qu’il faut saluer. Travail.Suisse estime néanmoins qu’il faut fixer une limite d’exploitation des cinq centrales nucléaires existantes, comme le demande l’initiative « Sortir du nucléaire ». Ainsi, on aura une plus grande prévisibilité pour le futur, ce qui permettra de mieux planifier les investissements nécessaires à faire dans l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et la transformation du réseau électrique.
La Suisse, en matière de cleantech, a pris un retard certain depuis le début des années 2000. La stratégie énergétique 2050 devrait fixer des objectifs plus ambitieux pour le développement des énergies renouvelables, en particulier pour le photovoltaïque, ce qui permettrait à la Suisse de recoller au peloton des meilleurs pays en matière de cleantech. Deux éléments fondamentaux inclus dans le projet du Conseil fédéral doivent être conservés comme tels pour avoir une stratégie digne du futur sur le plan énergétique et climatique : les moyens à disposition prévus pour l’assainissement énergétique des bâtiments et pour la rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC). Il est positif que la majorité de la CEATE suive sur ces points les propositions faites par le Conseil fédéral.
En revanche, concernant l’électricité, il est dommage que la CEATE ait supprimé les dispositions incitant les fournisseurs d’électricité à fixer des objectifs de consommation. Etant donné que c’est la consommation d’électricité qui est la plus difficile à réduire, en raison notamment de la multiplication des appareils, il faut espérer que le plénum corrigera ce signal erroné. Concernant la force hydraulique, il est acceptable que la CEATE propose de supprimer la limite supérieure de 10 MW pour les contributions d’investissement. C’est une mesure correcte dans la perspective d’augmenter sensiblement la production hydraulique conformément à la stratégie énergétique 2050.
Conseil des Etats – Iv pa. CEATE-CN Energie d’ajustement. Obligation de prendre en charge les coûts pour un approvisionnement sûr en électricité (13.467) : Il s’agit de combler dans la Loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEL) une lacune afin que la pratique actuelle soit entérinée. Travail.Suisse est en faveur de cette modification qui garantit que les groupes-bilans prennent bien en charge les coûts de l’énergie d’ajustement du réseau. Il est important de lever toute incertitude juridique sur ce point car il en va de la sécurité de l’approvisionnement.
Conseil des Etats – Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources. Initiative populaire et contre-projet indirect (14.019) : Il faut déplorer le traitement que le Conseil des Etats a fait jusqu’ici au contre-projet indirect du Conseil fédéral. Sous la pression des milieux économiques, il s’en est fallu de peu qu’il n’entre même pas en matière. Le dossier avait été renvoyé en commission. La version du projet que présente maintenant celle-ci est fortement édulcorée. Il est regrettable qu’elle veuille s’en tenir seulement aux réductions des atteintes à l’environnement en Suisse et non à l’étranger alors que le projet du Conseil fédéral le prévoyait – à juste titre – puisque la moitié de l’impact environnemental de la consommation suisse est causé à l’étranger. L’économie devrait comprendre qu’elle a aussi un très grand intérêt à préserver les ressources pour assurer son développement à moyen terme. Et en réduisant davantage leur consommation de ressources, les entreprises font aussi des économies et peuvent mieux se positionner sur les marchés internationaux avec des avantages comparatifs en faisant valoir une image de durabilité. Il faut espérer que le Conseil national sera plus sensible à la durabilité de l’économie et corrigera la mauvaise direction prise par le Conseil des Etats. De plus, comme non seulement la consommation mais aussi les modes de production sont au cœur d’une économie plus durable, il faut mentionner dans les instruments transversaux les partenaires sociaux pour la mise en œuvre avec un accent mis sur la participation et la formation des employés dans le but d’améliorer dans l’entreprise la gestion des ressources.
Politique de migration/intégration
Conseil des Etats – Motion Conseil national (Groupe V). Apprentissage professionnel pour les sans-papiers. Empêcher la fraude orchestrée par ordonnance (12.3515) : La Loi fédérale sur les étrangers (LEtr) fournit à son article 30 alinéa 1 lettre b la base légale qui régit la légalisation du séjour de personnes sans titre de séjour (sans-papiers). Mais c’est dans l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA, articles 29 à 32) que sont réglées les différentes situations permettant d’octroyer une autorisation de séjour dans les cas d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs. Si on fixait dans la loi les conditions de l’apprentissage des sans-papiers, il faudrait alors le faire pour toutes les autres situations qui sont déjà prévues dans l’ordonnance, ce qui est contraire à la pratique actuelle. Il est donc logique de rejeter cette motion.
Le problème se situe ailleurs : à ce jour, il n’y a que quelques jeunes sans-papiers qui ont osé demandé une autorisation de séjour, qui est limitée au temps de l’apprentissage. Selon les prévisions, ils auraient dû être plusieurs centaines par année ! Il faudrait donc revoir les conditions d’autorisation afin que, dans la pratique, les jeunes sans-papiers, qui remplissent les conditions pour faire un apprentissage, puissent le réaliser sans crainte que cela conduise à l’expulsion de leurs proches ou familles.
Vu que la motion a été adoptée de justesse par le Conseil national, contre l’avis du Conseil fédéral, il est important que le Conseil des Etats rejette clairement cette motion.
Politique fiscale et financière
Conseil des Etats – Interpellation Levrat. Régime uniforme pour les agréments fiscaux (14.3916) : Cette initiative parlementaire est judicieuse dans la mesure où elle permettrait de créer la transparence sur ces agréments fiscaux, appelés aussi rulings. Dans un contexte où il est devenu très important pour la Suisse d’éliminer des pratiques fiscales qui ne sont plus acceptées sur le plan international (régimes fiscaux cantonaux), le fait de vérifier si les agréments fiscaux existant sont toujours compatibles doit être vu comme une démarche prospective utile pour la respectabilité de la place financière suisse.
Conseil des Etats – Péréquation des ressources et des charges entre la Confédération et les cantons 2016-2019 (14.066) : Dans son message, le Conseil fédéral prévoit de réduire la contribution de base à la péréquation des ressources pour les années 2016 à 2019. Dans sa réponse à la consultation, Travail.Suisse avait préconisé le rejet de cette réduction et soutient dès lors la position de la Commission des finances du Conseil des Etats dont la majorité soutient le maintien actuel de la dotation. Il faudrait en revanche, dans le cadre de la compensation des charges excessives dues à des facteurs géo-topographiques et socio-démographiques, procéder à la modification de la répartition 50% / 50% au profit des charges socio-démographiques pour tenir compte des charges réelles de la situation d’aujourd’hui.