Au cours de sa prochaine session, le Parlement va délibérer une fois de plus sur de nombreux objets de première importance pour les travailleurs et travailleuses. La position de Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendantes des travailleurs et travailleuses, est résumées ci-après brièvement et concerne des objets choisis.
Politique économique et politique du marché du travail
Conseil national– Initiative populaire. Pour la protection de salaires équitables (Initiative sur les salaires minimums) (13.014): la CER du Conseil national recommande le rejet de l’initiative « Pour la protection de salaires équitables », sans présenter un contre-projet (direct ou indirect). Cette recommandation est très décevante pour Travail.Suisse et ne s’inscrit pas dans une politique responsable. Le passé a montré que la confiance des travailleurs et travailleuses suisses dans l’économie est ébranlée et que la question des répercussions négatives de l’immigration est devenue très délicate. La CER-CN rate ainsi l’occasion de regagner la confiance de la population et de mener une politique responsable visant à améliorer la protection des conditions de travail et des salaires. Il ne reste donc à Travail.Suisse qu’une possibilité, celle d’approuver l’initiative. En ce qui concerne la motion soumise par la CER-CE (13.3668 – Améliorer l’application des mesures d’accompagnement et renforcer les instruments du partenariat social), il s’agit de renoncer à la suppression proposée par la CER-CN et d’approuver la proposition de la minorité (et donc la version du Conseil des Etats).
Politique sociale
Conseil des Etats – Motion Egerszegi-Obrist. Primes de risque équitables dans la prévoyance professionnelle (13. 3894): le Conseil fédéral est chargé d’inscrire dans l’ordonnance sur la surveillance une disposition garantissant que la Finma n’approuve que des tarifs fondés sur un rapport équitable entre les primes de risque encaissées par les sociétés d’assurance et les prestations d’assurance versées. Depuis des années, les primes encaissées par les sociétés d’assurance vie pour l’assurance des risques décès et invalidité sont plus que surfaites dans le deuxième pilier. En 2012, les charges du processus de risque – donc en premier lieu les rentes à payer dans des cas d’invalidité et de décès s’élevaient à 1.4 milliard de francs alors que le montant des primes encaissées dépassait les 2.7 milliards de francs. Il faut souligner que la baisse des rentes AI n’a été prise en compte que de manière très insuffisante dans la fixation des primes de risque. Les primes de risque surfaites contribuent ainsi grandement à alimenter les bénéfices des sociétés d’assurance vie dans le 2ème pilier. Il est impératif d’inscrire dans l’ordonnance une limite contraignante aux abus en matière de primes de risque, afin de préserver les intérêts des assurés et employeurs qui payent les primes. Travail.Suisse recommande l’approbation de cette motion.
Conseil des Etats – Pour une caisse publique d’assurance-maladie. Initiative populaire (13.079): l’initiative vise l’institution d’une caisse maladie publique unique, pour toutes et tous. Pour Travail.Suisse, la situation actuelle sur le marché de l’assurance-maladie n’est pas satisfaisante. Le système est difficilement gérable, p.ex. en ce qui concerne une politique de prévention globale menée par les caisses maladie. La chasse aux bons risques constitue une situation intolérable à laquelle il s’agit de remédier. La trop forte imbrication de l’assurance de base et de l’assurance complémentaire entraîne un manque de transparence. Le coût des transactions engendré par de fréquents changements de caisse est élevé. Comme l’augmentation du volume des prestations et les prix élevés des médicaments, la concurrence inefficace contribue à augmenter les coûts. Les primes représentent en réalité une charge de plus en plus élevée pour les travailleurs et travailleuses. Comme le Conseil fédéral renonce à présenter un contre-projet à l’initiative, cette dernière est, pour Travail.Suisse, le moyen le plus fiable permettant d’endiguer la concurrence inefficace. Même si elle ne parvient pas à résoudre tous les problèmes, l’initiative veille à ce qu’un frein soit mis à un élément contribuant à l’évolution des coûts.
Conseil des Etats –Iv.pa Forster. AVS. 65/65, prolongation du délai (10.524): l’initiative parlementaire vise à augmenter d’une année l’âge de la retraite des femmes – sans attendre le train de réformes Prévoyance vieillesse 2020. Travail.Suisse s’oppose à une augmentation isolée de l’âge de la retraite des femmes, il faut donc accorder une prolongation du délai, d’autant plus que le Conseil fédéral va mettre en consultation dans quelques semaines le train de réformes Prévoyance vieillesse 2020. Il va donc aussi mettre sur le tapis la question de l’âge de la retraite des femmes. Celui-ci ne peut être discuté que dans un train de réformes indivisible contenant également des améliorations pour les femmes. Il est donc juste que ce débat soit mené dans le cadre du projet de réforme Prévoyance vieillesse 2020. Une augmentation isolée de l’âge de la retraite des femmes traitée par le Parlement désavouerait tout effort de réforme en matière de prévoyance vieillesse.
Conseil des Etats – Mo. Schwaller. Mettre en place sans attendre un plan de redressement financier durable pour l’AI (13.3990): après l’échec de la révision 6b de l’AI, la motion demande au Conseil fédéral de présenter rapidement un nouveau projet susceptible d’accélérer le désendettement de l’AI, de créer une nouvelle base légale en matière de lutte contre la fraude et de renforcer les mesures de réinsertion, en particulier celle des personnes atteintes d’un handicap psychique. Travail.Suisse pense aussi que l’AI doit être désendettée, mais elle aura probablement déjà fortement réduit sa dette envers le Fonds AVS avant l’échéance de la période de financement additionnel en 2017. Par ailleurs, les mesures introduites avec la 5e révision de l’AI et la révision 6a y contribuent aussi. Ces mesures seront toujours en vigueur après l’échéance de cette période de financement additionnel. Par conséquent, même après cette échéance, on s’attend à un résultat positif pour l’AI. Ce résultat positif pourra contribuer en temps utile au désendettement de l’AI. Travail.Suisse pense qu’il est prématuré d’envisager déjà maintenant une nouvelle révision de l’AI, il faut tout d’abord apaiser la situation et affecter les ressources à une application réussie des mesures décidées dans le cadre des révisions précédentes, en particulier les mesures relatives à la réinsertion. La base légale existante est en outre suffisante dans la lutte contre la fraude. Travail.Suisse recommande donc le rejet de la motion.
Conseil des Etats – Po. Egerszegi-Obrist. Impact de la modification du taux de conversion (13.3834): le Conseil fédéral est chargé d’élaborer un rapport sur les conséquences pour les assurés d’une baisse du taux de conversion. Travail.Suisse approuve que des informations détaillées soient données sur cet important sujet. L’organisation faîtière des travailleurs et travailleuses part du principe que, dans le cadre de ses propositions de réforme « Prévoyance vieillesse 2020 », le Conseil fédéral donne sur ce thème une information étoffée. Du point de vue de Travail.Suisse, une telle démarche est envisageable uniquement si elle est associée à des mesures de compensation. Travail.Suisse recommande l’approbation du postulat.
Politique d’égalité
Conseil national – Iv.pa. Leutenegger Oberholzer. Proportion équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des conseils d’administration des entreprises proches de la Confédération (12.468) : L’initiative parlementaire demande à ce qu’un quota de 40% de femmes soit atteint dans les organes directeurs des entreprises liées à la Confédération. L’égalité entre femmes et hommes n’y est pas atteinte, à l’instar de l’écrasante majorité des entreprises privées en Suisse. Il convient d’inscrire dans la loi un but chiffré. Un délai transitoire de quatre ans permettra aux entreprises de satisfaire à cette exigence. Travail.Suisse soutient cette initiative car l’exemple doit venir d’en haut. Si on laisse faire, il est à craindre qu’il faille attendre encore des dizaines d’années pour que les beaux discours se traduisent de manière concrète dans la réalité, quand bien même le nombre de femmes disposant d’une excellente formation et d’une expérience adéquate sont toujours plus nombreuses sur le marché du travail. Cette mesure permettrait de briser le « plafond de verre » qui touche les femmes cadres.
Conseil national – Iv.pa. Leutenegger Oberholzer. Proportion équilibrée entre les hommes et les femmes au sein des conseils d’administration des entreprises cotées en bourse. Modification de la loi sur les bourses (12.469): Cette initiative est le pendant de la précédente et concerne les entreprises cotées dans une bourse suisse. Le quota de 40% servirait de passeport pour pouvoir entrer en bourse. Les entreprises qui ne satisfont pas à la règle devront se retirer du marché temporairement. La Suisse pourrait ainsi rattraper son énorme retard en matière de représentation féminine dans les organes dirigeants : de 11,6% actuellement, il pourrait rejoindre en peu de temps celui des pays nordiques. Cet objectif concerne la loi sur les bourses et la loi sur l’égalité. Le laisser-faire et la libre entreprise ont démontré leur incapacité à faire avancer l’égalité dans le domaine professionnel. A nouveau, Travail.Suisse est d’avis qu’il est temps de prendre des mesures pour briser le plafond de verre qui maintient les femmes compétentes hors des cercles dirigeants des entreprises.
Conseil national – Iv.pa. Feri. Revoir le rythme des sessions parlementaires pour mieux concilier politique et vie professionnelle et familiale (13.410) : Des sessions plus courtes mais plus régulières avec des journées de session supplémentaires en juin et en décembre, telle est la proposition socialiste pour faire rimer engagement de milice au Parlement et vie professionnelle et familiale des élus. Le nombre et la complexité des objets traités par le Parlement exigent de repenser la manière d’organiser le travail des parlementaires. Pour Travail.Suisse, cette initiative a valeur de test. Le parlement d’aujourd’hui s’est beaucoup rajeuni et compte dans ses rangs plus de personnes en âge d’élever leurs enfants. Alors que le peuple a dit oui à un ancrage d’une politique familiale dans la Constitution fédérale (un objet toutefois rejeté par une courte majorité des cantons), il sera intéressant de voir si la majorité du Parlement partage le souhait de la population d’améliorer la conciliation des nombreuses activités de ses élus.
Politique de formation
Conseil national – Loi fédérale sur la formation continue (13.038) : En vertu de l’art. 64a, la Confédération est amenée pour la première fois à élaborer une loi sur la formation continue (LFCo). Le projet de loi présenté par le Conseil fédéral constitue la base minimale indispensable au développement d’une politique de formation continue tournée vers l’avenir. La LFCo est renforcée par l’acceptation de diverses propositions de majorité relatives aux art. 1.4d, 4b bis et 4f, 6.2, 7, 8a 0 , 11.2. Mais les propositions de minorité relatives aux art. 4g, 5.2, 5.4 (minorité II) et 8g ont aussi leur importance. Du point de vue de Travail.Suisse, des réglementations sur les „diplômes de formation continue“ manquent dans l’art. 1, sur l’encouragement de la formation de rattrapage dans l’art. 7 et sur la question de savoir ce qui se passe avec les employeurs qui n’endossent pas leur responsabilité envers leur personnel en matière de formation continue.
Politique internationale
Conseil national – Accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine (13.071) : Comparativement à d’autres accords de libre-échange adoptés récemment par la Suisse, l’accord avec la Chine est en retrait sur les questions des droits de l’homme. La mention droits de l’homme ne figure que par voie indirecte dans le préambule de l’accord. Les normes du travail et la référence à l’Organisation internationale du travail (OIT) sont présentes mais dans un accord séparé sur la coopération en matière de travail et d’emploi, contrairement aux autres accords de libre-échange. Cela donne l’impression que le commerce d’un côté et les droits des travailleurs et travailleuses de l’autre doivent être traités séparément. Or, c’est le contraire qui est nécessaire. Plus fondamentalement, l’article sur l’environnement dans l’accord et l’accord séparé en matière de travail et d’emploi ne sont pas soumis à la procédure d’arbitrage et ne peuvent donc conduire à des réparations ou sanctions. Pour ces raisons, Travail.Suisse demande au Conseil national de n’approuver cet accord que s’il obtient l’engagement du Conseil fédéral pour qu’il s’engage à l’avenir à donner à la question des droits de l’homme, de l’environnement et des droits des travailleurs et travailleuses un caractère beaucoup plus contraignant dans les accords de libre-échange.
Politique migratoire
Conseil national – Loi sur la nationalité. Révision totale (11.022) : Le Conseil des Etats a adopté une révision très proche du projet du Conseil fédéral alors que le Conseil national avait considérablement durci le projet de révision. Malheureusement, la Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national, lors de la procédure de l’élimination des divergences, s’en est tenue sur tous les points essentiels aux décisions du Conseil national. Rappelons que pour Travail.Suisse, le projet du Conseil fédéral représentait déjà un compromis difficile à accepter en raison de la condition d’avoir un permis C pour ouvrir une procédure de naturalisation, ce qui renforce la discrimination à l’égard des étrangers des Etats tiers. Travail.Suisse exhorte le Conseil des Etats à ne céder sur aucun des durcissements apportés par le Conseil national, en particulier la durée de séjour de 10 ans, la suppression des années qui compte double entre 10 et 20 ans et le refus de prendre en compte tout séjour effectué au titre d’une admission provisoire. Il est préférable en fin de compte que la révision échoue plutôt que d’accepter tout ou partie des durcissements apportés par le Conseil national.
Conseil des Etats – Loi sur les étrangers. Modification. Intégration (13.030) : Le Conseil fédéral ayant tenu compte dans son message en grande partie des objections faites par Travail.Suisse lors de la consultation, le projet du Conseil fédéral peut maintenant être soutenu. La commission du Conseil des Etats (CIP-E) a peu modifié ce projet, ce qu’il faut saluer. Il y a toutefois un changement notable apporté par la CIP, qui prévoit que l’autorisation d’établissement peut être accordée si l’étranger est bien intégré alors que dans le message du Conseil fédéral c’est un droit si les conditions, notamment d’intégration, sont remplies, ce qui garantit la sécurité du droit. Cette sécurité juridique est le corollaire logique de la reconnaissance de l’intégration. Ce droit au permis C est aussi fondamental en lien avec la révision de la loi sur la nationalité qui prévoit désormais qu’il faut une autorisation d’établissement pour se naturaliser. Il faut enfin saluer le fait que la contribution de l’employeur à l’intégration des employés étrangers dans l’entreprise figure maintenant dans la loi. Il est réjouissant qu’à l’avenir les employeurs devront non seulement informer leur personnel étranger des offres d’intégration mais aussi lui apporter leur soutien afin que les travailleurs étrangers puissent en bénéficier.
Politique fiscale
Conseil national – Programme de consolidation et de réexamen des tâches. Loi (12.101) : Travail.Suisse demande au Conseil national de renoncer maintenant définitivement à ce programme de consolidation et de réexamen des tâches. Il est erroné de vouloir économiser 700 millions de francs, notamment par des coupes dans l’aide à la presse, les assurances sociales et la formation. En effet, la situation financière de la Suisse est saine et les prévisions budgétaires sont constamment trop pessimistes depuis plus d’une décennie. Une nouvelle fois les comptes 2013 vont afficher des bénéfices alors qu’un déficit était prévu au budget. On ne peut pas non plus vouloir économiser dans un nombre important de tâches d’utilité publique et en même temps augmenter le budget pour l’armée et prévoir des baisses fiscales pour les entreprises. Il faut donc que le Conseil national suive la majorité de sa commission en demandant le renvoi du projet au Conseil fédéral.
Conseil des Etats – Iv. pa. Groupe RL. Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois (09.503) : Le Conseil des Etats ne doit pas suivre la décision du Conseil national et refuser la suppression des droits de timbre d’émission sur le capital propre. Non seulement ce projet fera perdre à la Confédération des recettes de près de 240 millions de francs par an mais rien ne prouve qu’il en résultera plus d’emplois. Au minimum, le Conseil des Etats doit suivre sa commission en votant l’ajournement du projet, la question devant être examinée dans le troisième volet de la réforme de l’imposition des entreprises (rejetée aussi clairement par Travail.Suisse si cela entraîne des pertes fiscales ou qu’elles ne sont pas compensées).
Conseil des Etats – Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux). Initiative populaire (13.057) : Il faut soutenir cette initiative car l’imposition selon la dépense privilégie, au vu des principes de la capacité contributive et de l’égalité de traitement, de riches étrangers. Certes, une révision vient de durcir les conditions d’octroi de l’imposition selon la dépense. Mais, si on a le choix, il est préférable d’abolir l’imposition selon la dépense. L’équité fiscale doit enfin passer avant les questions – ici de toute manière discutables – de l’attrait de la place économique.