Le délai de la procédure de consultation relative à la Réforme des prestations complémentaires (PC) a expiré le vendredi 18 mars. Travail.Suisse, l’organisation faîtière indépendante des travailleurs, a pris position sur le sujet car il y a lieu de veiller au maintien des acquis sociaux des prestations complémentaires, en évitant notamment, en toutes circonstances, que les bénéficiaires de PC ne soient réduits à demander une aide sociale.
Les prestations complémentaires (PC) entrent en jeu lorsque les rentes et le revenu ne couvrent pas le minimum vital. Ce système, qui fonctionne bien, a permis de réduire considérablement la pauvreté chez les personnes âgées au cours de la dernière décennie. Toutefois, depuis un certain temps, les coûts des PC ont de nouveau pris l’ascenseur en raison de l’évolution démographique. Certains acteurs cherchent désormais à lancer un débat sur les abus, à l’instar de celui que connaît l’aide sociale. Mais le problème principal des PC ne réside certainement pas dans le grand nombre de nouveaux rentiers qui « claquent » leur capital vieillesse afin de toucher ultérieurement des PC, contribuant ainsi à faire grimper les coûts. Même si un tel comportement se produit ça et là, cette discussion passe largement à côté de la vraie question.
Les prestations complémentaires paient le prix du développement sociétal
Diverses analyses ainsi que les rapports du Conseil fédéral montrent que les PC paient le prix du vieillissement de la société. Si le nombre de bénéficiaires de l’AVS augmente, celui des bénéficiaires des PC augmente lui aussi, de même que le besoin en prestations de soins souvent remboursées par les PC. Parallèlement, les PC doivent compenser les réductions opérées dans les systèmes situés en amont, p.ex. parce que des prestations ont été réduites suite aux révisions de l’AI. A cela s’ajoute que les nouvelles générations connaissent davantage de ruptures dans leurs parcours familiaux et professionnels, dues p.ex. à un divorce. Résultat: le taux de PC visant à assurer le minimum vital augmente aussi chez les moins de 70 ans, qui présentaient jusqu’ici un taux de PC traditionnellement faible. L’accroissement de conditions de travail précaires contribue, lui aussi, à ce phénomène. 1 Les PC paient donc le prix de divers développements sociétaux, le prix du mode de vie actuel, le prix des conditions cadres politiques actuelles et celui du système actuel du marché du travail. Ces coûts croissants ne pourront être compensés que moyennant des mesures prises dans les PC elles-mêmes.
Il convient de relever sans tarder les montants maximaux admis pour les coûts du loyer
Il est tout à fait compréhensible qu’en raison de l’évolution de leurs coûts, le Conseil fédéral examine les PC de plus près. Par contre, il semble cynique que le Parlement continue de remettre à plus tard l’adaptation – de longue date en suspens – des loyers plafonnés à prendre en considération. Les frais de loyer pris en compte par les PC ne correspondent plus aux données du marché du logement. Depuis la dernière adaptation en 2001, les loyers ont augmenté en moyenne de plus de 20 pour cent, voire nettement davantage dans certains centres urbains. Conséquence: les montants maximaux pris en compte par les PC pour le loyer du logement ne couvrent plus que les deux tiers des loyers pour les couples et les personnes seules. Pour les familles, les montants maximaux en vigueur suffisent à couvrir moins de la moitié du loyer. Il convient d’agir de toute urgence pour éviter que les bénéficiaires des PC ne doivent recourir à l’aide sociale. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) du Conseil national temporise et rechigne intentionnellement à traiter le sujet. Tant qu’une mesure corrective ne sera pas prise, Travail.Suisse ne sera pas prêt à entamer des discussions sur des adaptations de prestations des PC. Il ne faut pas attendre l’entrée en vigueur de la réforme des PC pour adapter les plafonds des loyers reconnus par les PC. Les propositions sont sur la table, le Parlement peut encore décider aujourd’hui.
En adoptant une vision des coûts à court terme, on laisse passer des chances
Travail.Suisse reconnaît la volonté du Conseil fédéral de mettre en place une révision socialement acceptable. Pourtant, en fin de compte, il s’agit majoritairement de mesures de démantèlement. Travail.Suisse aurait souhaité une révision qui tienne mieux compte de la fonction des PC en qualité de système de financement des soins. La révision serait alors également une occasion de renforcer les soins et l’encadrement à domicile. Il devrait être possible de mieux éviter à l’avenir que les personnes concernées soient contraintes, pour des raisons financières, d’entrer dans un home. Dans de nombreux cantons, la mise en place d’incitations améliorant les possibilités de remboursement des soins et de l’encadrement à domicile permettrait d’éviter le placement dans un home. Le Conseil fédéral continue de laisser passer cette occasion, la réduction des coûts à court terme restant trop manifestement au centre de ses préoccupations.
Limiter le retrait du capital de la LPP: Oui, mais…
Le Conseil fédéral souhaite limiter le retrait du capital de la prévoyance professionnelle, et ce, certainement pour des raisons politiques afin de couper l’herbe sous les pieds des tribuns débusquant les abus. L’effort est méritoire, mais des raisons bien réelles font également paraître judicieuse une limitation du retrait du capital. Travail.Suisse approuve la suppression du paiement en espèces en cas de lancement d’une activité professionnelle indépendante. La survie des entreprises récemment créées, qui ont été financées par les fonds des caisses de pension, est souvent de courte durée. Par contre, les montants retirés sont importants, entraînant ainsi une forte réduction des rentes à un stade ultérieur. Souvent, ces créations d’entreprise sont mises en route à la suite de pressions de l’extérieur et ne sont pas très « réfléchies».
Le versement de rentes correspond davantage à l’esprit de la prévoyance professionnelle
Travail.Suisse défend une position nuancée en ce qui concerne une limitation du versement des avoirs de vieillesse sous forme de capital : fondamentalement, il est souhaitable que les prestations de vieillesse soient versées sous forme de rentes, seule une rente garantissant un revenu régulier pendant toute la durée de la retraite. Il n’est pas dans l’esprit de la retraite que chacun doive placer lui-même son argent et assume le risque de ses placements. A juste titre, la « Prévoyance vieillesse 2020 » voudrait que les chômeurs d’un certain âge aient également la possibilité d’obtenir une rente de leur dernière institution de prévoyance. C’est pourquoi Travail.Suisse accueille favorablement la limitation – proposée dans le cadre de la réforme des PC – du retrait du capital de la partie obligatoire de la prévoyance professionnelle.
Une forme d’ingérence, à utiliser avec prudence et à justifier avec rigueur
Actuellement, de nombreuses personnes aux qualifications professionnelles modestes recourent toutefois au retrait de leur capital. Or, il a été prouvé que leur espérance de vie est nettement plus faible que celle de travailleurs mieux qualifiés 2 . Aussi ont-elles un intérêt légitime à pouvoir au moins disposer d’une partie de leur capital de prévoyance, au moment de leur départ à la retraite. On pénaliserait ces personnes d’une manière disproportionnée en leur interdisant totalement de retirer leur capital de la partie obligatoire de leur prévoyance. Travail.Suisse se prononce donc en faveur d’une limitation partielle du retrait du capital, plutôt que pour une interdiction totale. D’une certaine manière, cette mesure constitue une sorte d’ingérence qu’il conviendrait de légitimer pleinement. Les chiffres figurant dans le rapport relatif à la procédure de consultation donnent une première idée des ordres de grandeur des retraits de capital. Il manque toutefois une analyse précise des motifs et des conséquences de ces retraits, ainsi qu’une communication ouverte d’une telle analyse. Dans certains cas, un retrait de capital peut accroître la vraisemblance d’une demande de PC, mais dans d’autres, il se peut que l’intéressé ne doive recourir aux PC qu’ultérieurement ou dans une mesure moins importante. Il est indispensable de connaître exactement les raisons premières du retrait du capital avant d’entamer les discussions, afin de ne pas ouvrir toute grande la porte à une polémique dans ce domaine politiquement controversé.
Vous trouverez le texte complet de la procédure de consultation sous:
http://www.travailsuisse.ch/actuel/consultations
(seulement en allemand)
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p(footnote). 1 Haute Ecole spécialisée bernoise 2015: Existenzsicherung im Alter. Risikofaktoren und Ursachen für EL-Bezüge bei AHV-Neurentnern und Neurentnerinnen (Assurer le minimum vital des personnes âgées. Facteurs de risques et raisons de recourir aux prestations PC pour les nouveaux rentiers et rentières de l’AVS).
2 Wanner et al. (2012): Mortalité différentielle en Suisse 1990-2005
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